2024 ne sera pas de tout repos pour les GAFAM, ciblés par des affaires antitrust inédites. L’arrivée imminente du Digital Markets Act (DMA), considéré comme l’une des réglementations antitrust les plus strictes, devrait accentuer davantage la pression pesant déjà sur leurs épaules.

Un procès peut-être historique attend Google

Google sera la moins épargnée. La firme de Mountain View vient tout juste de perdre un procès contre Epic Games pour abus de positions dominante dans le Play Store. La sanction devrait être connue dans les prochains mois. Apple s’est également opposée à l’éditeur de Fortnite devant un tribunal. Si elle en est sortie vainqueur, elle a finalement été contrainte d’autoriser la promotion de paiements tiers dans son App Store.

Cet automne, Google a affronté le département de la Justice américain (DoJ) dans un procès portant sur le monopole de son moteur de recherche. À la barre, les témoignages de dirigeants phares se sont enchaînés, menant à des révélations préjudiciables pour l’entreprise, notamment un accord secret avec Apple. Un juge rendra son verdict au mois de mai.

Mais l’affaire la plus périlleuse pour Google n’a pas encore eu lieu. Le DoJ, soutenu par huit États, a déposé plainte en janvier 2023. Elle est accusée d’exercer un monopole déloyal sur le secteur de la publicité en ligne depuis plus de quinze ans, mettant en œuvre des pratiques illégales pour protéger sa position de leader. Google jouera gros lors du procès qui débutera en mars. Les régulateurs ont évoqué un possible démantèlement de ses opérations. Les activités publicitaires de la société sont aussi dans le viseur de l’antitrust européen. Là aussi, une vente forcée est envisagée.

Les regards se tournent vers Microsoft

Meta, maison mère de Facebook, Instagram ou encore WhatsApp, devrait elle aussi se rendre au tribunal. La Federal Trade Commission (FTC), autre entité américaine de surveillance de la concurrence, l’a inculpée en 2020 pour abus de position dominante. Le géant des réseaux sociaux est accusé d’avoir racheté Instagram et WhatsApp, en 2012 et 2014, pour les empêcher de rivaliser avec sa propre plateforme.

La firme de Mark Zuckerberg sort gagnante d’une autre affaire l’opposant à la FTC. Le régulateur a tenté de bloquer son rachat d’une start-up de réalité virtuelle, mais a été contraint d’abandonner la procédure par le juge californien Edward Davila.

Même son de cloche pour Microsoft. Après plusieurs concessions et de longs mois de batailles juridiques, la firme de Redmond est parvenue à faire plier les régulateurs. Elle a finalisé le plus important rachat de l’histoire des jeux vidéo en mettant la main sur Activision Blizzard.

Si Microsoft était au cœur de l’une des plus grosses affaires antitrust de l’histoire américaine il y a vingt ans, elle se fait bien plus discrète depuis. Son investissement dans OpenAI a néanmoins piqué la curiosité des autorités de régulation. Les antitrust britannique, européen et américain se penchent sur la relation entre les deux entreprises, leur rapprochement les ayant placées en tête de la course à l’intelligence artificielle (IA). Pour l’heure néanmoins, il est simplement question d’« étudier l’impact de ces partenariats sur la dynamique de ce marché ».

Au tour d’Apple d’être ciblé par l’antitrust américain

2024 s’annonce plus tumultueuse pour Apple. En Europe, la marque à la pomme devrait prochainement plier et permettre à la concurrence d’utiliser sa technologie de paiement mobile. La Commission européenne prévoit, pour sa part, d’infliger une lourde amende à l’entreprise pour pratiques anticoncurrentielles au sein de l’App Store, mettant fin à une affaire initiée par Spotify en 2019.

La tendance ne lui est pas plus favorable outre-Atlantique. Après avoir jeté son dévolu sur Google, le DoJ serait également en passe d’intenter une action en justice contre la firme de Cupertino pour abus de position dominante.

Sous l’impulsion de l’administration Biden, l’antitrust américain se montre bien plus intransigeant avec ses géants technologiques. Fin septembre, la FTC inculpait Amazon, l’accusant d’avoir mis en place de nombreuses pratiques illégales afin de maintenir son monopole dans le secteur de l’e-commerce. Le procès ne devrait pas avoir lieu avant 2026.

Le DMA va bouleverser l’application de la réglementation antitrust

En plus de ces nombreuses affaires, les géants de la tech doivent en amont se préparer à l’arrivée du DMA. La législation européenne, qui s’appliquera dès le 7 mars, a pour objectif de promouvoir un paysage concurrentiel sain. Les services concernés devront respecter de nouvelles règles comme l’ouverture à la concurrence et l’interopérabilité. Sur les 22 plateformes régies par le texte, 21 appartiennent aux GAFAM.

Le DMA est voué à bouleverser la réglementation européenne, ainsi que le modèle économique des big tech. Des élus américains se sont d’ailleurs insurgés contre la loi, estimant qu’elle menaçait directement le leadership technologique du pays. Sa mise en œuvre, qui sera minutieusement scrutée, risque toutefois de ralentir ou de mettre en pause certaines affaires antitrust en cours au sein de l’UE.