La Commission européenne a dévoilé ce mercredi 6 septembre sa liste des « contrôleurs d’accès » et des services qui devront se soumettre aux obligations du Digital Markets Act (DMA). Il s’agit d’un « jalon déterminant d’une course au long cours », selon les propos d’un haut fonctionnaire de l’institution.
Les protagonistes du Digital Markets Act sont maintenant en place
« Le DMA ouvrira les portes de l’Internet », s’est enthousiasmé Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur, sur ses réseaux sociaux. Les GAFAM, Alphabet (Google), Amazon, Meta (Facebook), Apple et Microsoft, rejoint par ByteDance sont les six entreprises qui ont été désignées comme contrôleurs d’accès ou « gatekeeper ». Ils s’étaient signalés en tant que tels en juillet, avec Samsung. La société coréenne a été retirée de la liste de la Commission après l’étude de sa situation.
Inscrivez-vous à la newsletter
En vous inscrivant vous acceptez notre politique de protection des données personnelles.
Une vingtaine de plateformes, appartenant à ces six groupes, seront soumises aux nombreuses obligations imposées par le règlement sur les marchés numériques. Parmi elles, TikTok, Instagram ou LinkedIn, iOS, Android, Windows, plusieurs services publicitaires… Avec 8 services concernés, Google est le plus touché.

Crédit : Commission européenne.
Le navigateur web de Samsung, Gmail, ou Outlook, bien que correspondants aux seuils fixés, sont épargnés. Un haut fonctionnaire de la Commission a confirmé la prise en compte de « faux positifs ». C’est alors aux entreprises « d’apporter des éléments de preuves » pour en convaincre les régulateurs. Après réclamation, Microsoft Advertising, le moteur de recherche Bing, le navigateur Edge et la messagerie d’Apple iMessage font l’objet d’enquêtes de marché plus approfondies.
À l’inverse, des services ne correspondant pas aux seuils peuvent finalement intégrer la liste tant redoutée, dans une seconde procédure dite « qualitative ». La Commission a fait savoir qu’elle étudiait le cas du système d’exploitation de l’iPad pour un éventuel ajout. Cette enquête peut durer un an maximum, mais la Commission espère réduire ce délai.
Jean Cattan, secrétaire général du Conseil National du Numérique (CNNum), voit dans cette liste « le coup d’envoi d’un texte que l’on peut qualifier de décisif ». Il estime toutefois que la désignation de services précis appartenant aux contrôleurs d’accès, l’une des subtilités de ce Digital Markets Act, est un défaut de conception.
Il pointe, dans la poursuite de l’analyse de Joëlle Toledano, professeure émérite d’économie et membre du CNNum, « un manque de vision écosystémique du problème ». Aucun dispositif du DMA ne considère les contrôleurs comme un ensemble et « les bénéfices énormes à avoir un écosystème de service ».
La Commission européenne : « Citadelle assiégée ou cheffe d’orchestre ? »
L’ancien conseiller du président de l’Arcep, le régulateur français des télécoms, s’inquiète de la masse de travail auquel vont être confrontés les agents de la Commission avec une vingtaine d’obligations à vérifier sur une vingtaine de services différents.
Au cours des six prochains mois, jusqu’à l’entrée en vigueur en mars 2024, les gatekeepers désignés doivent appliquer le texte. Ils doivent désigner un interlocuteur direct entre eux et l’autorité européenne, avertir en cas d’acquisitions et surtout prendre des mesures pour mettre en conformité leurs plateformes.
Ce processus, le plus important, sera à terme présenté et argumenté dans un rapport remis aux autorités. Jean Cattan prévient que « la Commission devra être solide pour apprécier si les obligations sont appliquées dans les faits ».
Si une entreprise comme Google a d’ores et déjà affiché sa bonne volonté via un communiqué, « le diable se niche dans les détails ». Toute obligation peut avoir des exceptions, justifiées, notamment pour des raisons de sécurité, de protection des données, etc. C’est à la Commission de vérifier ce qui va être signalé en tant que tel par les plateformes. Comme le note Jean Cattan, « la Commission européenne a 150 personnes pour la mise en œuvre du DSA et du DMA quand Meta a révélé avoir environ 1 000 personnes sur le DSA ». Le secrétaire général du CNNum sait d’expérience que l’institution est capable « de réaliser des miracles à un contre cent », mais la tâche s’annonce compliquée.
C’est pourquoi il plaide pour la circulation de l’information entre les acteurs. La Commission européenne aura besoin de l’assistance des milieux économiques, des régulateurs nationaux et des citoyens pour agir non pas comme une « citadelle assiégée », mais comme un « chef d’orchestre ».