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Le vendredi 7 mars, le Digital Markets Act (DMA) est pleinement entré en vigueur, au grand dam des Big Tech. Ce règlement européen devant augmenter la concurrence sur les marchés numériques promet de multiples conflits avec la Commission. Pour faire le point sur la façon dont les sociétés concernées ont intégré les mesures du DMA, ainsi que sur les défis qui attendent l’exécutif européen, Siècle Digital s’est entretenu avec Joëlle Toledano, professeure émérite d’économie, membre du Conseil national du numérique (CNNum).

Pour Joëlle Toledano, autour du DMA, « énormément d’incertitudes »

Le DMA s’attaque directement à la domination des géants que sont Apple, Amazon, Alphabet, Microsoft, Meta et ByteDance. Pour Joëlle Toledano, parmi les 21 mesures du Digital Markets Act, il n’y en a pas une à mettre en avant plus que les autres, « il y a beaucoup de mesures et le problème ça va être de vérifier que les acteurs les respectent. Malheureusement, je crains que ça ne soit pas toujours facile et rapide, ça prendra du temps », prévient-elle. Certaines dispositions et leurs impacts sont déjà visibles. Sur Google, la redirection vers Google Map après avoir entré une adresse dans la barre de recherche est devenue impossible. Autre changement : les utilisateurs d’iPhone ont dû choisir leur navigateur par défaut. Le DMA prévoit en effet l’interdiction pour ces entreprises de favoriser leurs propres services. Concernant les autres conséquences du texte, il est encore trop tôt pour Joëlle Toledano, qui estime qu’il existe toujours « énormément d’incertitudes ». « Tout ça va conduire à des débats, à des contentieux, à des décisions de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE)… Donc vous me demandez ce qu’il se passera mais ça, je pense que personne aujourd’hui n’est capable de vous le dire », ajoute-t-elle.

Néanmoins, il est dès à présent prévisible que le DMA aura des conséquences hors du vieux continent. À l’instar du RGPD, ce règlement pourrait servir d’exemple pour d’autres pays. Le cas d’Apple est à ce titre très parlant pour l’économiste, qui explique que « pour l’App Store, l’Europe n’est pas le seul endroit où il est remis en question. Je vois mal d’autres pays se satisfaire de réponses dilatoires à partir du moment où autre chose est mis en place en Europe ». Une conséquence potentielle qui ne va faire que renforcer les résistances des Big Tech. Pour y faire face, la Commission européenne est-elle prête ? « C’est de notoriété publique, mais non, malheureusement. Ils n’ont mis en place les équipes que très lentement, et en tout état de cause, dès les textes, il y avait une sous-estimation du nombre de personnes nécessaires pour le mettre en œuvre », se désole la spécialiste. Pourtant, le travail n’attend pas, le nombre de recours se multipliant. Amazon, Meta et même Apple contestent la présence de certains de leurs services dans la liste du DMA.