C’est officiel, le commissaire au Marché intérieur l’a proclamé, le Digital Markets Act (DMA) est entré en vigueur ce jeudi 7 mars. Les groupes désignés comme contrôleurs d’accès ont soit dévoilé, soit résumé les changements opérés dans les jours, les semaines précédentes.

Petite remise en contexte. En septembre 2023, 22 services détenus par 6 entreprises (cf. image suivante) se sont vus accoler ce statut redouté de « gatekeeper », contrôleur d’accès. Redouté, car il s’accompagne d’un certain nombre d’obligations qu’ils doivent respecter. Dans le cas contraire ils s’exposent à une amende pouvant aller jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires, 20 % s’ils récidivent.

La liste de la Commission européenne.

Crédit : Commission européenne.

C’est tout l’objectif du DMA, équilibrer la concurrence sur les marchés numériques. Google, Amazon, Meta, Apple, Microsoft et ByteDance, qu’ils contestent ou non leur désignation, ont dû se plier aux exigences de Bruxelles. La plupart se sont d’ailleurs contentés de mettre en œuvre ces changements uniquement dans l’Espace Économique Européen (EEE). Siècle Digital fait le point.

Quels changements chez les géants de la tech avec le Digital Markets Act ?

  • Google

Alphabet, la maison mère de Google, est l’entreprise qui a le plus de services « contrôleurs d’accès ». L’un d’eux a déjà beaucoup fait parler, Google Maps. Désormais il n’est plus directement accessible depuis les résultats du moteur de recherche maison. Il s’agit de l’une des règles du DMA qui interdit de privilégier ses propres services.

Alphabet a rapporté le 5 mars « plus de 20 modifications de produits » sur son moteur de recherche, citant en exemple son comparateur de vol Google Flights également relégué.

Les utilisateurs auront désormais le choix s’ils veulent que leurs données soient partagées entre les différents services de l’entreprise. Ils pourront également obtenir leurs données personnelles, avec l’introduction de la portabilité des données. Les annonceurs et éditeurs auront accès à des informations supplémentaires sur leurs campagnes publicitaires.

Sur mobile, Android laissait déjà la possibilité de choisir son moteur de recherche à la suite d’une décision antitrust de la Commission européenne. Cela a été étendu. De même, le paiement sur la boutique d’application Play Store avait également été modifié après une procédure sud-coréenne, c’est étendu.

  • Amazon

Comme Google, certaines des mesures prises par Amazon ont été précoces, car motivées par la pression des autorités de la concurrence. C’est l’obligation de ne pas favoriser ses produits par rapport aux vendeurs tiers sur sa plateforme, c’est aussi celui d’équilibrer l’accès aux données de ventes.

Depuis quelques années Amazon arrive en force sur le marché de la publicité, c’est dans ce domaine que se sont concentrées les nouveautés. Tout début février le n°1 de l’e-commerce a promis que les annonceurs et éditeurs auront accès à des informations supplémentaires sur leurs campagnes publicitaires.

  • Meta

Petite révolution pour les messageries de Mark Zuckerberg, WhatsApp et Messenger vont être interopérables avec d’autres messageries selon un communiqué du 6 mars. Cela n’arrivera pas de suite, et se fera sur la base d’un accord. Meta demande notamment un protocole de chiffrement équivalent au sien, basé sur Signal.

Ailleurs dans l’écosystème Meta, les utilisateurs pourront choisir s’ils acceptent ou non le partage de données entre leurs comptes Facebook et celui d’Instagram.

Ceux qui souhaitent acheter ou vendre sur la Marketplace maison, n’auront plus l’obligation de partager les données de leur compte principal pour ce faire.

  • Apple

L’application des règles du DMA par Apple est sans doute la plus scrutée. Le groupe est réputé pour son écosystème fermé, il a été l’un des plus actifs dans le lobbying anti-DMA. Apple bataille devant les tribunaux face à Epic Games, devant les régulateurs face à Spotify et d’autres depuis des années sur ces thématiques. Les deux entreprises citées ont d’ailleurs, avec d’autres, accusé il y a quelques jours Cupertino d’être de mauvaise foi dans l’application du règlement européen.

Apple a commencé à déployer sa version 17.4 d’iOS révélée fin janvier, pour se mettre en conformité. Les boutiques tierces d’application seront désormais autorisées, Apple Pay est ouvert, il est possible de choisir un navigateur alternatif à Safari sur son iPhone… Surtout les paiements ne passent plus obligatoires par Apple dans l’App Store. Sous conditions.

Apple, déjà dans la mire de la Commission européenne, risque d’être le premier cas sur lequel vont se pencher les régulateurs pour vérifier la bonne application du DMA.

  • Microsoft

Bon élève, Microsoft a explicité les modifications apportées à Windows dès novembre (le post a été actualisé fin août). Sur les versions 10 et 11 du système d’exploitation, il sera possible de désinstaller des services par défaut comme Cortana ou Edge, choisir de passer par un autre moteur de recherche que Bing, des développeurs tiers pourront proposer des Widgets, le choix de synchroniser son compte Microsoft sera donné…

Microsoft a été relativement épargné par la Commission européenne. Des services qui auraient pu tomber sous le giron du DMA, comme Bing, l’ont évité. LinkedIn ne semble pas avoir fourni d’information sur d’éventuels changements.

  • ByteDance

Seul acteur qui ne soit pas un GAFAM parmi les contrôleurs d’accès : le réseau social de ByteDance, TikTok. Malgré sa tentative de se présenter comme une alternative, un challenger aux grands groupes américain, le réseau social n’a pas convaincu la justice européenne pour le moment.

Le 4 mars, le groupe chinois a donc révélé les évolutions à venir de TikTok. Elles tournent avant tout, comme les autres réseaux sociaux, autour de la portabilité des données et l’interopérabilité. TikTok propose déjà de copier une publication pour la mettre sur d’autres plateformes, les développeurs pourront créer des plateformes pour créer un flux de publication commun. Sous condition. Les utilisateurs pourront également choisir plus finement leurs données personnelles détenues par l’entreprise.

Le DMA, ce n’est pas fini

La Commission européenne va organiser dans le mois des « Atelier de conformité DMA » individuels pour chaque entreprise concernée. Les parties intéressées pourront avoir des éclaircissements sur les initiatives prises par les gatekeepers et se prononcer dessus. L’institution européenne travaille également à l’ajout de nouveaux services aux 22 déjà désignés.

Le règlement sur les marchés numériques n’a pas fini de faire parler.