La plainte antitrust déposée la semaine dernière par le Département de la Justice (DoJ) américain à l’encontre de Google est-elle celle qui fera vaciller l’entreprise ? Selon les experts, cette inculpation, contrairement à d’autres, à des chances de parvenir à ses fins.

Google accusée de pratiques anticoncurrentielles pendant quinze ans

Dans sa plainte longue de 140 pages, le DoJ cible l’ensemble des activités publicitaires de Google. La firme de Mountain View est accusée de comportement monopolistique sur plus de quinze ans, « en neutralisant ou en éliminant ses concurrents avec des acquisitions, en obligeant les éditeurs et les annonceurs à utiliser ses produits et en empêchant l’utilisation de produits concurrents ». Selon le gouvernement américain, les pratiques de Google constituent une violation des sections 1 et 2 du Sherman Antitrust Act, principale loi antitrust des États-Unis entrée en vigueur en 1890.

Il s’agit de la deuxième plainte du DoJ à l’encontre de Google, la première portant sur de supposées pratiques anticoncurrentielles avec son moteur de recherche. Au total, cinq plaintes ciblent actuellement ses activités publicitaires aux États-Unis. Comme à son habitude, l’entreprise dément fermement ces accusations, et assure notamment que les législateurs ne sont pas assez informés sur l’extrême concurrence qui sévit dans le marché de la publicité en ligne, ce qui justifierait ses pratiques.

Le DoJ est préparé

Cette fois, il n’est pas certain que Google s’en sorte indemne, ou avec une amende n’affectant en aucun cas ses activités. En effet, la plainte se base sur la loi américaine et donc sur des textes concrets. De son côté, le Département de la Justice possède des arguments bien rodés et travaillés, notamment car il enquête sur les pratiques de Google depuis plusieurs années.

Jonathan Kanter, membre du DoJ et fort d’une longue expérience dans le secteur des marchés numériques et de leurs liens avec les monopoles, souhaite démanteler les activités publicitaires du géant américain, dont il étudie les pratiques publicitaires depuis les années 2000. Selon lui, les GAFAM exercent un monopole similaire à celui des compagnies ferroviaires et pétrolières du XIXe siècle, qui ont d’ailleurs inspiré le Sherman Antitrust Act.

Siège du Département de la Justie américain.

Siège du Département de la Justie américain. Photographie : Wally Gobetz / FlickR.

En outre, le DoJ a déposé sa plainte dans le district Est de la Virginie. Une démarche qui n’a rien à voir avec le hasard : ce tribunal est connu pour traiter les affaires commerciales complexes plus rapidement que les autres systèmes judiciaires. La législation locale permet aux affaires d’aboutir plus rapidement.

Autre fait notable, Jonathan Kanter a demandé à ce qu’un jury rende le verdict lors du procès, plutôt qu’un juge fédéral comme à l’accoutumée dans ces affaires. Il estime en effet que les avocats antitrust devraient être tenus d’expliquer les choix et les effets de la concurrence d’une manière que des jurés non experts puissent évaluer.

Tout n’est pas encore gagné

Bien qu’osée et innovante, cette démarche pourrait également être préjudiciable pour le gouvernement car il s’agit d’un cas très complexe. « Il y a un risque réel que le jury ne comprenne pas comment les pièces s’assemblent », a déclaré à Bloomberg Dan McCuaig, qui a travaillé pendant douze ans dans la division antitrust du DOJ.

Malgré ces nombreux éléments, Google a des chances de remporter le procès. Comme l’explique le Wall Street Journal, Kanter a modifié certaines tactiques du Département de la Justice, avec des approches qui manquent souvent leur cible. En conséquence, davantage d’entreprises sont prêtes à se battre contre celui-ci devant les tribunaux. Souvent, le gouvernement perd le procès, ce qui le rend moins crédible aux yeux de tous. Malgré ces vents contraires, Google a de quoi se faire du mouron : le géant du Web pourrait y laisser des plumes.