Ces 22 et 23 novembre 2022, s’est tenue la conférence ministérielle de l’Agence spatiale européenne (ESA). Ses 22 États membres se sont réunis pour fixer le budget alloué à cette dernière pour les trois prochaines années. Si celui-ci est en nette hausse par rapport à 2019, il reste encore faible comparé à certains concurrents de l’Europe.

La France est le deuxième contributeur de l’ESA

Les enjeux étaient cruciaux. Alors que le secteur spatial est en pleine évolution avec l’émergence d’acteurs innovants et l’occupation toujours plus importante de l’orbite terrestre, l’Europe doit faire face à des concurrents en pleine ascension comme l’entreprise SpaceX ou la Chine, pays qui a lancé le plus de fusées en 2021.

Ainsi, l’ESA espérait obtenir 18,5 milliards d’euros d’investissement, contre 14,5 milliards en 2019 ; le budget pour les trois années à venir a finalement été fixé à 16,9 milliards, ce qui marque tout de même une nette hausse de 17 % par rapport à il y a trois ans. « À l’issue de ces discussions, il doit y avoir une seule Europe, une seule politique spatiale européenne et une unité sans faille face aux ambitions chinoises et aux ambitions américaines. Si nous voulons être indépendants, nous devons mettre de l’argent sur la table », a déclaré le ministre français de l’économie Bruno Le Maire lors de la conférence.

La France va participer à hauteur de 3,2 milliards d’euros dans ce financement, contre 2,6 milliards en 2019. L’Allemagne reste le premier pays contributeur avec 3,5 milliards d’euros, l’Italie est troisième du classement avec un investissement de 3,1 milliards d’euros.

L’importance des lanceurs

L’Europe a tenu à réaffirmer son engagement de devenir indépendante dans le secteur spatial. Cela passe par la souveraineté dans le domaine des lanceurs, afin de ne dépendre d’aucune autre puissance ou entreprise pour propulser ses satellites en orbite. Malheureusement, l’actualité n’est pas en la faveur de l’ESA, avec un énième report pour le lanceur Ariane 6, qui devrait laisser l’Europe sans fusée lourde pendant quelques mois alors qu’Ariane 5 s’apprête à prendre sa retraite.

La guerre en Ukraine a également joué dans la balance, puisque l’Europe ne peut plus faire appel au Soyouz russe pour ses lancements. La division « Space transportation » va ainsi bénéficier de 17 % du budget total, soit 2,8 milliards d’euros.

« L’ESA renforcera encore ses lanceurs Ariane 6 et Vega-C, achèvera le développement du Space Rider réutilisable qui peut rester en orbite terrestre basse pendant plus de deux mois avant de revenir sur Terre pour être remis à neuf, et développera un système d’hydrogène vert pour alimenter les lanceurs Ariane au port spatial européen en Guyane française, dans le but d’éliminer le carbone dans la production d’hydrogène d’ici 2030 », annonce l’Agence spatiale.

L’Europe veut jouer un rôle sur la Lune, et sur Mars

L’exploration humaine et robotique de l’espace a connu une importante hausse de ses investissements, passant de 1,9 milliard en 2019 à 2,7 milliards en 2022, soit 16 % du budget total. Allant dans le sens de sa feuille de route pour les années futures établie au mois de juillet, l’ESA a annoncé sa participation à la Station spatiale internationale jusqu’à 2030.

L’Agence a également tenu à renforcer son rôle dans le programme Artemis de la NASA, qui verra des humains retourner sur la Lune pour y établir une base permanente. L’Europe est impliquée dans la construction de la station orbitale lunaire Lunar Gateway, et l’agence a validé le développement d’Argonaut, un grand alunisseur qui sera capable d’envoyer régulièrement des charges utiles scientifiques et des cargaisons sur la Lune dans les années 2030. Trois astronautes européens devraient en outre être envoyés jusqu’à la station Lunar Gateway.

Après des mois de doute à la suite de la guerre en Ukraine, l’ESA a finalement confirmé la construction d’un atterrisseur européen pour le rover ExoMars Rosalind Franklin dont la mission sera d’étudier l’atmosphère martienne. La Russie était auparavant impliquée dans la mission, retardant grandement son lancement.

L’Europe a en outre assuré sa coopération avec la NASA pour le retour sur Terre des échantillons martiens récupérés par le rover Perseverance. « Après l’achèvement récent des travaux de conception, le développement complet de l’orbiteur géant de retour sur Terre et du bras sophistiqué de transfert d’échantillons pour l’atterrisseur de récupération d’échantillons va commencer », explique-t-elle.

Infographie du budget de l'ESA de 2022 à 2025.

Voici comment sera réparti le budget de l’ESA sur les trois prochaines années. Infographie : ESA

La science avant tout

Comme en 2019, la division science est celle qui bénéficie du plus important financement avec 3,2 milliards d’euros. L’observation de la Terre vient quant à elle se placer en quatrième position avec 2,6 milliards d’euros. « Face aux difficultés économiques, il est important d’investir judicieusement dans les industries qui créent des emplois et de la prospérité en Europe. Grâce à cet investissement, nous construisons une Europe dont l’agenda spatial reflète sa force politique et économique future. Nous dynamisons l’espace en Europe, donnant le coup d’envoi d’une nouvelle ère d’ambition, de détermination, de force et de fierté. Le climat et la durabilité resteront la priorité absolue de l’ESA, notre science et notre exploration inspireront la prochaine génération, et nous construirons un lieu où les entrepreneurs spatiaux européens pourront prospérer », a déclaré Josef Aschbacher, directeur général de l’ESA.

Plusieurs missions visant à mieux étudier la Terre et à combattre le réchauffement climatique ont ainsi été validées, tandis que la sonde Juice partira dès l’année prochaine à bord d’une Ariane 5 pour étudier les lunes de Jupiter. En 2023 également, le télescope Euclid sera lancé avec le but de mieux comprendre la matière noire et l’énergie noire qui constituent 95 % de l’Univers.

Lors de la conférence, l’ESA a aussi confirmé deux missions scientifiques prévues 2026 et 2029. Plato et Ariel auront l’objectif d’étudier les exoplanètes. Avec Comet Interceptor, l’Agence veut également devenir la première à visiter une comète vierge, c’est-à-dire qui vient seulement d’arriver dans notre Système solaire.

De nouveaux astronautes

1,9 milliard d’euros seront également alloués aux télécommunications, un secteur qui est en plein boom. La plupart de ces fonds seront acheminés par le programme de recherche avancée sur les systèmes de télécommunications de l’ESA, qui vise à encourager l’innovation dans l’industrie spatiale européenne afin de permettre aux entreprises de réussir sur le marché mondial hautement concurrentiel des satellites de télécommunications et de leurs applications.

Cette conférence était aussi l’occasion de présenter la nouvelle classe d’astronautes de l’ESA, une première depuis 2008 et la nomination d’un certain Thomas Pesquet. Deux Français ont été sélectionnés ; l’astronaute de métier Sophie Adenot et Arnaud Prost, choisi en tant que réserviste.

De manière globale, la nette hausse du budget alloué au spatial en Europe démontre les ambitions du Vieux Continent, qui ne souhaite pas rester sur le banc de touche dans un secteur en pleine métamorphose offrant de nombreuses opportunités. Il faut tout de même noter que l’investissement reste minime comparé à d’autres pays. Par exemple, la NASA a obtenu un budget de 24 milliards de dollars uniquement sur l’année 2022.