Le 18 février 2021 est une date à marquer au fer rouge. Après avoir parcouru 470 millions de kilomètres en sept mois et survécu aux « sept minutes de terreur », Perseverance s’est posé sans encombre à la surface de Mars. Le rover le plus lourd et le plus pointu jamais construit par la NASA va tenter de répondre à une question qui anime l’humanité depuis la nuit des temps : la vie s’est-elle développée ailleurs que sur Terre ?

L’eau était autrefois présente en abondance sur Mars

Car la planète rouge n’a pas toujours été l’endroit désertique et glacial que nous connaissons aujourd’hui. Il y a environ 4 milliards d’années, l’eau liquide, élément essentiel à l’apparition de la vie, y était présente en abondance. Son atmosphère était par ailleurs plus épaisse, à l’instar de celle de la Terre aujourd’hui. Grâce aux nombreuses sondes actuellement en orbite autour de Mars et aux quatre autres rovers de la NASA ayant foulé sa surface, nous savons que des lacs et des rivières ont jonché son sol.

Nous savons également que Mars est une planète vivante possédant une forte activité sismique, que son atmosphère est majoritairement composée de dioxyde de carbone, mais aussi d’argon, d’azote, et surtout de méthane. La présence de ce composé est loin d’être négligeable, puisqu’il est possible qu’il provienne d’une vie microbienne. Notre voisine connaît des tempêtes titanesques et abrite le plus haut sommet du Système solaire : l’Olympus Mons culmine à 21,9 kilomètres d’altitude. Elle est en outre la seule planète avec la Terre disposant de quatre saisons. Enfin, la NASA a détecté, en 2019, la présence d’eau glacée à quelques centimètres sous sa surface.

Vision d'artiste de Mars il y a des milliards d'années.

Vision d’artiste de Mars il y a des milliards d’années. Image : Wikimédia / CC BY-SA 3.0

En revanche, nous ignorons pourquoi l’eau a disparu de Mars et comment son atmosphère s’évapore au fil du temps. Ces questions revêtent peut-être une importance déterminante pour l’avenir de notre propre planète. C’est là tout l’intérêt de la mission que va mener Perseverance au cours des prochaines années. Le choix du cratère de Jezero pour se poser n’est évidemment pas dû au hasard : regroupant d’imposantes falaises, des rochers massifs, des zones sablonneuses et de profondes fosses, le site de 49 kilomètres de diamètre abritait surtout le delta d’une rivière où les conditions auraient pu être propices au développement de la vie.

Des instruments de pointes, des centaines de scientifiques et d’ingénieurs, des années de travail

De la taille d’une voiture, le rover est doté de sept instruments de pointe qui vont lui permettre d’analyser cette zone, et plus globalement Mars, comme jamais auparavant. Ces différentes technologies ont regroupé l’effort de centaines de scientifiques et ingénieurs, et pas seulement ceux du Jet Propulsion Laboratory de la NASA aux États-Unis, elles ont en outre nécessité près de 10 ans de travail acharné. SuperCam, caméra équipée de deux lasers et de quatre spectromètres qui va sonder le sol martien pour y détecter des traces de composés organiques, a été développée conjointement par le Centre Nationale d’Études Spatiales français (CNES) et le laboratoire américain de Los Alamos.

SuperCam, la caméra développée par des chercheurs français.

SuperCam, instrument développé par le CNES. Image : NASA/JPL-CALTECH/CNES/CNRS/LANL

Le MEDA, pour Mars Environmental Dynamics Analyzer, a quant à lui été conçu à l’Institut national de technique aérospatiale en Espagne. Il aura pour mission d’effectuer des mesures météorologiques quotidiennes grâce à ses capteurs. Enfin, le Radar Imager for Mars’ Subsurface Experiment (RIMFAX), dont l’objectif est d’observer les caractéristiques géologiques sous le sol martien, est issu du Centre de recherche sur la défense du gouvernement norvégien. Des entreprises comme Lockheed Martin, Aerojet Rocketdyne et Maxar Technologies ont elles aussi participé à la confection de l’équipement présent sur le rover, qui est un véritable laboratoire sur six roues.

Perseverance n’est pas arrivé seul à la surface de Mars. Sous son ventre, se cache un petit hélicoptère sobrement baptisé Ingenuity d’1,8 kilogrammes. Ce dernier va tenter de voler dans la fine atmosphère martienne à cinq reprises, ce qui requiert une puissance plus importante que sur Terre : s’il y parvient, il s’agira alors du tout premier aéronef à effectuer un vol contrôlé sur une autre planète. Si la mission d’Ingenuity est avant tout une démonstration technologique, elle pourrait ouvrir l’accès à des régions plus instables ou les rovers « terrestres » ne peuvent pas se rendre.

Vision d'artiste de l'hélicoptère Ingenuity.

Une vision d’artiste de l’hélicoptère Ingenuity à la surface de Mars. Image : NASA/JPL

Des échantillons martiens vont être ramenés sur Terre

En plus de ses autres instruments visant à détecter des traces de vies organiques, Perseverance dispose de 19 caméras et de microphones qui nous fourniront des visuels et audio sensationnels de la planète rouge. Contrairement à son prédécesseur Curiosity, qui continue de fouler le sol martien et de nous faire parvenir de superbes clichés de ses paysages, Perseverance est également équipé d’un bras robotique de deux mètres qui va lui permettre de forer le sol et réaliser l’une des étapes les plus importantes de la mission.

En effet, le robot va prélever une trentaine d’échantillons géologiques de la planète rouge. Il va les placer dans des tubes, puis les stocker pour qu’ils soient ensuite ramenés vers la Terre. Les plans de la NASA, qui travaille en collaboration avec l’Agence spatiale européenne (ESA), pour rapporter les prélèvements sont tout simplement faramineux. Ils impliquent l’intervention de quatre vaisseaux et robots pour acheminer les précieux échantillons vers la planète bleue, où ils seront analysés par des scientifiques. Au total, cette mission devrait durer une dizaine d’années.

Préparer le terrain pour les humains

En parcourant entre 5 et 20 kilomètres dans le cratère de Jezero à la recherche de signes de vie présente ou passée, le rover va également essayer d’extraire de l’oxygène de l’atmosphère martienne. « Cette démonstration va aider les planificateurs de mission à tester des moyens d’utiliser les ressources naturelles de Mars pour soutenir les explorateurs humains et améliorer la conception des systèmes de survie, de transport et d’autres éléments importants pour vivre et travailler sur Mars », explique la NASA. Par ailleurs, l’instrument espagnol MEDA va lui aussi préparer les futures missions habitées, dont la première est pour l’instant prévue dans la décennie 2030, en permettant de prédire avec exactitude la météo sur la planète rouge.

Les implications étaient si élevées que l’on comprend l’euphorie des employés de la NASA lorsque Perseverance a réussi son atterrissage de manière totalement automatique, la distance des transmissions entre la Terre et Mars étant de 11 minutes. C’est désormais une nouvelle page de l’exploration martienne et de la conquête spatiale qui s’ouvre, avec, on l’espère, la réponse tant attendue à l’une des questions les plus fondamentales de l’humanité à la clé.