La guerre déclenchée par Vladimir Poutine en Ukraine et les sanctions prises en rétorsion par les pays occidentaux pourraient mettre à mal la coopération en matière d’espace. La Russie est un acteur de premier plan du spatial et participe activement à de nombreux projets internationaux comme la station spatiale internationale (ISS) ou la mission européenne « ExoMars ».

Roscomos quitte la Guyane française

Josef Aschbacher, directeur général de l’Agence spatiale européenne (ESA), a tenté de maintenir l’espace loin des basses considérations terriennes. Dans un message posté le 25 février, il a déclaré « Malgré le conflit actuel, la coopération spatiale civile reste un pont. L’ESA continue de travailler sur tous ses programmes, y compris sur la campagne de lancement de l’ISS et d’ExoMars, afin d’honorer les engagements pris avec les États membres et les partenaires ».

L’un de ces partenaires, la Russie évidemment, ne l’a pas entendu de cette oreille. Le lendemain, l’agence spatiale russe, Roscomos, actuellement victime d’une cyberattaque par déni de service, est passée par Twitter pour annoncer, « Roscosmos suspend la coopération avec les partenaires européens dans l’organisation de lancements spatiaux depuis le cosmodrome de Kourou et retire son personnel, y compris l’équipage de lancement consolidé, de la Guyane française ».

Concrètement les 87 citoyens russes vont ou ont quitté la Guyane. Une situation problématique pour Arianespace qui a programmé trois lancements de fusées Soyouz en 2022 à Kourou. La fusée russe devait mettre en orbite deux satellites de Galileo, le GPS européen, le 6 avril.

Le jour même Thierry Breton, commissaire européen à l’espace, a assuré « que cette décision n’a aucune conséquence sur la continuité et la qualité des services Galileo et Copernicus [programme européen de surveillance sur l’état de la Terre] ». Il en a profité pour rappeler l’autonomie prochaine de l’Europe en matière de lanceur avec l’arrivée d’Ariane 6 et Vega C.

ExoMars est l’autre projet européen où la Russie est étroitement associée. Il s’agit de l’envoi d’un rover, baptisé Rosalind Franklin sur Mars. Il doit décoller en octobre depuis Baïkonour, au Kazakhstan, un cosmodrome hérité de l’URSS et loué par la Russie. La fusée Proton qui doit transporter l’engin est également russe, ainsi que son module de descente et d’atterrissage. Selon FranceInfo, l’ESA devrait aborder l’avenir de ces différents programmes au cours d’une réunion de crise ce lundi 28 février.

L’existence de l’ISS menacée par les tensions Russie-Occident ?

Au-delà de l’Europe, c’est le meilleur exemple de coopération internationale, l’ISS, qui est menacée. L’administration Biden a assumé le 24 février prendre un train de sanctions pour entraver les progrès technologiques de la Russie à l’avenir. Une décision peu appréciée par le provoquant Dmitri Rogozine, directeur de Rocosmos.

Dans une série de tweets au ton acerbe, il a fait remarquer que si les sanctions américaines allaient entraver l’aérospatiale russe, l’ISS en serait la première victime. Le vaisseau cargo russe Progress s’occupe de corriger l’altitude et les déplacements de la station pour éviter les débris ou d’être trop bas.

Dmitri Rogozine pose la question, « Si vous bloquez la coopération avec nous, qui sauvera l’ISS d’une désorbitation incontrôlée et tombera aux États-Unis ou L’Europe ? ». Le dirigeant russe est allé jusqu’à proposer aux autorités américaines de vérifier si les responsables ayant pris des sanctions n’étaient pas victimes d’Alzheimer, « Juste au cas où. Pour éviter que vos sanctions ne vous tombent sur la tête. Et pas seulement au sens figuré ».

Un ancien haut responsable de la NASA, Wayne Hale, a confirmé à The Verge le scénario, mais il estime que cela prendra « probablement plusieurs années », de quoi trouver une solution. Il n’empêche, une rupture entre Rocosmos et les autres agences de l’ISS, la NASA, l’ESA, le Japon, le Canada, poserait bien d’autres difficultés.

De 2011 à mai 2020, Soyouz a été la seule fusée à envoyer des astronautes sur l’ISS. Lorsqu’en 2014 les Américains ont pris des sanctions contre la Russie, pour l’invasion de la Crimée, Dmitri Rogozine, déjà, alors vice-président du gouvernement russe chargé défense et de l’industrie spatiale, leur avait proposé de se rendre sur l’ISS en trampoline.

Un terme que n’a pas manqué de reprendre Elon Musk lorsque Space X a envoyé pour la première fois des astronautes sur l’ISS, en mai 2020. Soyouz continue toutefois d’apporter ou ramener des astronautes et du ravitaillement sur la station. Trois d’entre eux doivent s’envoler le 18 mars et trois autres rentrer le 30 mars ainsi. La Russie a installé de nombreux modules de l’ISS, dont les deux derniers, en 2021.

La Russie a décidé d’exclure la NASA d’un programme conjoint d’exploration de Vénus, Venera-D. Pour l’ISS, occidentaux et russes semblent condamnés à coopérer. Pour le moment, d’après The Verge c’est la position adoptée par toutes les parties. Il faut espérer que dans cette période de tension extrême, l’ISS à défaut de l’espace reste loin des contingences terrestres. Il y a actuellement sept astronautes sur la station, quatre Américains, deux Russes et un Allemand.