2024 sera une année particulièrement riche en élections. Deux sont très attendues : la présidentielle américaine et les européennes. Mais il faudra également composer avec des élections en Russie, en Inde, au Mexique, en Iran, au Sénégal ou encore au Venezuela. La moitié de la population mondiale est appelée aux urnes cette année. Les voitures électriques se sont immiscées dans les débats de la plupart des campagnes en cours ou à venir. L’électrification des automobiles suscite autant d’espoirs environnementaux et économiques que d’inquiétudes, et la montée en puissance du populisme pourrait même compromettre son avènement.

L’âge d’or des voitures électriques est-il déjà derrière nous ?

Aux États-Unis, Joe Biden a donné un sacré coup de pouce à l’industrie automobile et en particulier aux modèles électriques. L’Inflation Reduction Act (IRA) prévoit un investissement global de 370 milliards de dollars sur 10 ans pour « engager la transition énergétique ». Un plan en grande partie pensé pour accélérer l’adoption des voitures rechargeables. Il y a aussi le Domestic Conversion Grant Program, un texte qui vise à convertir les usines automobiles du pays aux véhicules électriques.

Sans oublier cette aide de 7,5 milliards de dollars pour densifier les infrastructures de recharge. Biden veut que les deux tiers des voitures vendues à l’horizon 2032 soient électriques. En Inde, le Premier ministre Narendra Modi souhaite prendre la même direction. Le gouvernement a lancé un gigantesque défi à son industrie : en 2030, toutes les voitures neuves devront être 100 % électriques. Un objectif ambitieux, qui donne une impulsion à l’ensemble des acteurs du secteur.

Sur le Vieux continent, les institutions européennes se sont accordées pour mettre fin au thermique en 2035. Des fonds ont également été débloqués pour renforcer les infrastructures de recharge. Dans le cadre du plan « Fit for 55 in 2030 », l’UE souhaite réduire les émissions de CO2 de 55 % d’ici à 2030 par rapport aux années 1990. Ces législations pourraient être mises à mal avec l’arrivée de nouveaux dirigeants dans chacune de ces régions du monde.

Aux États-Unis, Donald Trump a déjà fait savoir son désamour pour les voitures électriques. En campagne pour un deuxième mandat, il a sous-entendu qu’il pourrait « mettre fin au développement du marché des véhicules électriques s’il est élu ». Il est persuadé que « le passage au tout électrique va faire perdre des milliers d’emplois en Amérique ».

Selon Romain Gibert, enseignant-chercheur à l’EM Normandie, « si Obama n’avait pas fait grand-chose pour aller dans le sens des accords de Paris, Trump a en revanche tout détricoté pour sortir de l’accord ». Pour ce docteur en sciences économiques, « il ira dans le sens de la croissance, et tant pis pour l’environnement ». Il estime en revanche que si ses conseillers arrivent à le convaincre du potentiel (lucratif) de ce marché, en bon homme d’affaires, il pourrait exiger que les voitures électriques soient produites aux États-Unis.

En Europe, l’inquiétude gagne du terrain chez les constructeurs automobiles. Si l’extrême droite arrivait au Parlement en juin 2024, l’interdiction des voitures thermiques en 2035 pourrait être remise en cause. Le Rassemblement National (RN) a également fait part de sa position sur le sujet. Marine Le Pen est notamment opposée aux ZFE (Zone à Faibles Émissions). « Les dispositifs des ZFE et de péage urbain sont une honte et une injustice sociale indigne de la France. J’y mettrai fin dès mon arrivée au pouvoir » martelait-elle durant la campagne présidentielle de 2022.

Les constructeurs prêts pour d’éventuels revirements ?

Face à l’incertitude, certaines entreprises s’inquiètent tandis que d’autres se préparent aux deux scénarios. Quoi qu’il en soit, les constructeurs ne vont pas continuer de faire ce qu’ils font depuis 150 ans : fabriquer des voitures à combustion interne. L’électrique ou l’hydrogène va prendre le dessus. Nissan et General Motors ont fait part de leurs craintes si Donald Trump était amené à retrouver le Bureau ovale. Ils estiment que sans les aides gouvernementales, « la croissance des véhicules électriques va en prendre un coup ».

Un porte-parole d’Audi nous a confié que « la position de la marque est claire : la mobilité électrique est une technologie clé. Par conséquent, les élections de 2024 ne feront qu’accélérer ou ralentir la transition vers la mobilité électrique ». Audi précise que « les hommes politiques de tous bords doivent avoir intérêt à ce que l’industrie automobile soit en bonne santé et que le passage à la mobilité électrique la rende apte à affronter l’avenir. Nous pensons qu’un engagement politique clair en faveur de la mobilité électrique est donc crucial ».

L’industrie a besoin d’une « sécurité de planification » de la part des politiciens afin de déclencher des investissements pour l’avenir. Carlos Tavares, le patron de Stellantis, a préparé deux scénarios. Selon lui, nous verrons « une accélération des voitures électriques, si les progressistes dogmatiques gagnent, ou un ralentissement des voitures électriques, si les populistes gagnent ». Le géant de l’automobile promet donc de s’adapter au fil de l’eau, en fonction des résultats.

D’autres constructeurs tracent leurs routes et n’attendent pas grand-chose des politiques. C’est le cas du suédois Volvo qui a par exemple déjà fait le choix d’arrêter le diesel dès cette année. L’entreprise, désormais détenue par le chinois Geely, fait partie des marques historiques les plus radicales dans leur transition. Les modèles 100 % électriques représentent déjà 16 % des ventes chez Volvo et les élections à venir ne changeront probablement rien à cette croissance.

BMW promet également que la majorité de ses revenus proviendront des ventes sur l’électrique. En 2026, la marque allemande estime que les modèles 100 % électriques représenteront 35 % de ses ventes. Enfin, Renault jouera sur plusieurs tableaux : Fabrice Cambolive, CEO de la marque au losange, vient d’annoncer que Renault allait proposer une offre hybride et une autre électrique dans chacun de ses segments au cours des dix prochaines années.

Des stratégies différentes, qui montrent que certains constructeurs se préparent à faire face à d’éventuelles fluctuations du marché. Tandis que d’autres n’adoptent pas cette position attentiste et foncent vers le 100 % électrique. Quitte à y laisser des plumes.