Le marché des voitures électriques peut-il se passer du bonus écologique ? Si les modèles à batterie se démocratisent, certains États commencent à serrer la vis sur les aides et cela pourrait bien changer la donne.

Les aides accordées par les gouvernements en 2024

En France, la mise en place du bonus écologique remonte à 2008. Depuis une quinzaine d’années, l’État aide les particuliers (et les entreprises) à faire l’acquisition de véhicules à faibles émissions de CO2. Avec l’arrivée massive des voitures électriques, le bonus a évolué au fil des années. S’il était encore de 7 000 euros il y a peu, il a diminué en 2024 et les conditions pour en bénéficier sont plus restreintes. On a notamment vu l’apparition du score environnemental. Qu’en est-il en Allemagne, en Italie ou aux États-Unis ?

Certains gouvernements aident financièrement leurs concitoyens à passer à l’électrique, d’autres n’ont pas encore souhaité passer le cap. La France a récemment mis en place le leasing social avec la promesse de pouvoir rouler en électrique pour 100 euros par mois. Pour en bénéficier, il faut que le foyer fiscal dispose d’un revenu de référence par part inférieure à 15 400 euros. Il faut également effectuer plus de 8 000 kilomètres par an dans le cadre de son activité professionnelle. Une aide déployée en parallèle du bonus traditionnel.

Certains pays ont fait marche arrière en supprimant leur bonus écologique instauré auparavant. C’est le cas de l’Allemagne, qui depuis quelques semaines a mis fin à l’aide gouvernementale accordée dans le cadre de l’achat d’un « modèle propre ». La première économie d’Europe a décidé de stopper ce bonus plus tôt que prévu, après avoir investi 10 milliards d’euros depuis 2016. L’aide aura permis de mettre 2 millions de voitures électriques sur les routes.

Jusqu’ici, les allemands pouvaient bénéficier d’une aide de 6 750 euros. La cour des comptes a décidé de réaffecter les fonds vers d’autres dépenses. Fait intéressant, ce sont les constructeurs qui prennent le relais. Volkswagen, Stellantis, Mercedes ou encore Kia ont tous annoncé des mesures pour « prendre en charge ce bonus à la place de l’État fédéral allemand ». Les véhicules immatriculés entre le 1er janvier et le 31 mars vont bénéficier d’une remise de 4 500 euros.

En Italie, le gouvernement vient de voter un plan massif pour amorcer sa transition vers l’électrique. Mais serait-il déjà trop tard ? La lente stratégie du pays irrite Carlos Tavares, le patron de Stellantis. Il accuse le gouvernement Meloni de « mettre Fiat en danger ». La demande sur la petite 500 électrique est en chute libre et Tavares demande à la présidente de « faire beaucoup plus pour promouvoir les modèles électriques ».

Pour renouveler son parc automobile, l’un des plus vieux en Europe, l’Italie a décidé d’accorder un budget de 930 millions d’euros. Une aide de 13 750 euros sera versée aux italiens dont le revenu annuel est inférieur à 30 000 euros. En échange, ils devront mettre leur vieille voiture thermique au rebut.

Enfin, aux États-Unis, les américains peuvent prétendre à une aide de 7 500 dollars. Mais depuis le 1er janvier 2024, la Maison-Blanche a décidé de serrer la vis. Les modèles électriques dotés de batteries en provenance de Chine, d’Iran, de Corée du Nord et de Russie ne bénéficient plus du bonus.

Quel impact sur les ventes des voitures électriques ?

Une tendance se dégage donc depuis quelques mois : le bonus écologique présente des limites financières évidentes et cela pourrait avoir un impact sur l’industrie automobile. Nous avons échangé sur ce sujet avec Laurent Castaignède, essayiste français et spécialiste des questions environnementales. Pour lui, « tant que les ventes de voitures électriques restent faibles, cela devrait aller. Mais à un moment il faudra bien que le contribuable arrête de subventionner une minorité qu’il peut juger comme injustement privilégiée ».

Selon cet ingénieur centralien, une politique inconditionnelle vers l’électrique « est une illusion ». Dans son ouvrage La ruée vers la voiture électrique, il détaille ces risques qui relèvent de la disponibilité de métaux, d’infrastructures de recharge, du contexte géopolitique, du gaspillage de ressources clés et de la réalité de l’impact environnemental des voitures électriques. Il pense que l’Europe se dirige vers un « electricgate ». Une sorte de passage obligé vers une reconsidération générale des caractéristiques des automobiles, et des électriques en particulier, dans le sens d’une nécessaire sobriété.

Pour Laurent Castaignède, « si l’électrification des véhicules a un réel potentiel environnemental, son accélération dans la configuration actuelle n’est pas souhaitable ». Il estime que nous déroulons « le tapis vert à des véhicules complètement surdimensionnés, tant en masse, taille, qu’en puissance ». Il y a donc selon lui un besoin de régulation technique des véhicules. Un bonus écologique accordé aux véhicules les plus légers pourrait alors être une piste à creuser. À l’inverse, les plus lourds pourraient faire l’objet d’un malus.

Les évolutions liées au bonus écologique risquent d’avoir des conséquences sur les ventes. En France, l’intégration du score environnemental va probablement avoir un impact sur le marché. Les consommateurs vont se rabattre sur des modèles fabriqués en Europe. Des modèles très populaires en 2023 comme la Tesla Model 3, la MG4 ou encore la Dacia Spring pourraient subir les conséquences de ce changement de politique. En France comme aux États-Unis, on constate donc que le bonus écologique devient un levier de protectionnisme à part entière.