Longtemps restée muette face aux constructeurs américains, européens et japonais, l’industrie automobile chinoise a pris sa revanche sur l’électrique.

Des débuts timides

Si l’imaginaire commun date le début de l’industrie automobile chinoise aux alentours des années 2000, plusieurs entreprises chinoises spécialisées existent depuis les années cinquante. C’est le cas de la « First Automobile Works » (FAW), la « Beijing Qiche Fujianchang » (actuelle Beiqi Foton), la « Shanghai Automobile Company » (actuelle SAIC) ou encore de la « Nanjing Automobile Company » (NAC, futur repreneur de l’anglais MG). Des entreprises qui misaient à l’époque sur la fabrication de camions. Notamment pour désenclaver les régions reculées.

Malgré plusieurs tentatives d’industrialisation, la Chine n’a jamais réussi à s’imposer face aux grandes marques de l’époque : Ford, Toyota, Simca ou encore Chrysler. En 1985, et malgré de nombreuses réformes, le taux de motorisation n’est que d’une voiture pour 2 000 habitants. De quoi placer la Chine au 140e rang mondial. Pendant plusieurs décennies, le pays s’est donc résolu à importer des voitures étrangères ou à mettre en place des co-entreprises avec des constructeurs européens ou américains.

L’éclosion de l’électrique

On pense notamment à FAW-Volkswagen, Beijing-Benz (entre BAIC et Mercedes) ou plus récemment Renault et Geely. À partir de 2010, la Chine est devenue le premier producteur automobile mondial (en nombre de véhicules vendus), devant les États-Unis. « Une première phase portée par le marché domestique », comme nous l’explique Jean-François Dufour, directeur du cabinet DCA Chine-Analyse et fin connaisseur du marché chinois. Il précise que « cette première phase a été celle des véhicules thermiques ».

Il faudra encore attendre quelques années pour voir éclore le marché de l’électrique sur le sol chinois. « Les autorités chinoises ont cherché à passer d’une industrie automobile implantée en Chine (mais dominée par les constructeurs étrangers) à une industrie automobile proprement nationale (portée par les constructeurs chinois) », analyse-t-il. La Chine est donc passée d’une phase d’apprentissage à une autre d’autonomisation. L’aboutissement d’un processus de quarante ans qui « prend forme en ce moment même » selon Jean-François Dufour.

Quel avenir pour les constructeurs chinois ?

En quelques années, des dizaines d’entreprises automobiles chinoises sont sorties de terre : près de 120 constructeurs nationaux, dont une bonne partie est spécialisée sur l’électrique. Cette restructuration rapide qui pose question. Jean-François Dufour estime qu’il faut distinguer deux types d’acteurs : « les grands constructeurs qui tentent d’opérer une transition vers l’électrique et la montée en puissance de start-up dont la viabilité est assurée par des soutiens financiers nationaux ou régionaux ».

Parmi les start-up chinoises pionnières sur l’électrique nous pouvons citer Nio, Li Auto ou Xpeng. Mais selon lui, « tout le monde ne survivra pas ». Alors comment peut évoluer le marché au cours des prochaines années ? Il y aura très probablement une phase d’ajustement et de consolidation. Même s’il est impossible de prédire l’avenir du marché, Jean-François Dufour estime que « les ambitions chinoises sont là, les capacités technologiques et logistiques aussi. Pour autant, l’enquête anti-dumping ouverte par l’Union européenne démontre une conscience de la menace ».

Il est convaincu que « ce changement de contexte pèsera sur l’évolution de l’industrie automobile chinoise, même si son marché domestique gigantesque reste une garantie ». Si la Commission européenne va au bout de son projet qui consisterait à taxer les constructeurs chinois sur le sol européen, le retour de bâton pourrait être douloureux.

Certains constructeurs historiques comme Mercedes appellent même la présidente Ursula Von der Leyen à revoir sa position. Ola Kallenius, PDG de Mercedes-Benz, prône l’ouverture des marchés et estime « qu’il ne faut pas exclure la Chine de l’industrie automobile mondiale ».