En Chine, l’industrie automobile s’est métamorphosée en quelques années à peine. En 2023, le pays est devenu le plus grand exportateur mondial de voitures et ce n’est pas Tesla, mais bien une firme chinoise (BYD) qui a écoulé le plus de véhicules électriques à travers le monde. Alors que les constructeurs occidentaux se cassent les dents sur le marché de l’électrique, les chinois font partie de ceux qui s’en sortent le mieux.

Les différentes typologies de marques chinoises

L’empire du Milieu a vu éclore un grand nombre d’entreprises spécialisées dans l’automobile au cours des vingt dernières années. Mais elles n’ont pas toutes la même résonance, autant en Chine qu’à l’international. Nicolas Vincelot, directeur France chez Nio, nous apporte son éclairage sur ce marché bien spécifique. Longtemps dominée par les constructeurs étrangers, la Chine a pris sa revanche sur l’électrique. « Avant 2010, 60 % des ventes réalisées en Chine l’étaient par des marques européennes, japonaises ou américaines » révèle Nicolas Vincelot. Dans un sursaut d’orgueil, la Chine a également voulu prendre sa part du gâteau. Les marques chinoises se sont structurées en trois grandes vagues au fil des années.

Il y a tout d’abord les « marques historiques » chinoises. On pense par exemple à SAIC (Shanghai Automotive Industry Corporation) ou FAW (First Automobile Works). Ces deux constructeurs ont vu le jour dans les années 1950, une époque où la Chine avait encore l’espoir de créer plusieurs marques fortes dans l’automobile. Réalisant que cela ne serait pas possible, SAIC et FAW ont fini par nouer des partenariats avec les marques occidentales pour les distribuer en Chine. On a par exemple la co-entreprise FAW-Volkswagen ou encore le rachat de la célèbre marque britannique MG par SAIC.

Quelques années plus tard, une deuxième vague de constructeurs automobiles a déferlé sur la Chine : celle dite des « marques privées ». On peut citer BYD, Great Wall Motors ou encore Geely, trois grands acteurs de cette catégorie. Les marques privées n’ont, comme leur nom l’indique, pas de lien avec l’État. Elles ont été créées plus tard, en 2003 pour BYD et 1986 pour Geely. Elles occupent aujourd’hui des places très importantes dans l’échiquier mondial de l’automobile.

Pour le directeur France de Nio, « leur croissance s’est faite progressivement et avec des stratégies différentes ». En effet, BYD a rapidement misé sur les véhicules électrifiés (voitures électriques et hybrides rechargeables). La marque a compris qu’il y avait de la place sur ce marché. Résultat : en 2023 BYD est devenu le plus grand constructeur sur le segment de l’électrique, devant Tesla. Geely a de son côté racheté ou tissé des partenariats avec des marques déjà bien implantées comme Volvo, Lotus, Mercedes, Aston Martin ou Renault.

Dernière catégorie de marques chinoises : les start-up. C’est ce que les chinois appellent « la troisième vague ». On retrouve ici Nio, Xpeng et Li Auto. Des jeunes pousses nées entre 2014 et 2015 et spécialisées sur les voitures électriques, avec une volonté de casser le marché en repensant l’expérience ou en développant des technologies dernière génération que les constructeurs traditionnels n’avaient osé explorer.

Depuis quelques années on observe même une « quatrième vague ». Il s’agit des entreprises historiques chinoises qui tentent de lancer leur « marque dédiée à l’électrique ». Zeekr et Lynk & Co sont deux bons exemples. Ces marques appartiennent au géant Geely et ont pour mission de concurrencer les start-up « natives » Nio, Xpeng et Li Auto. « Il est rare qu’un trimestre s’écoule en Chine sans qu’une nouvelle marque ne soit dévoilée » commente Nicolas Vincelot. L’environnement est extrêmement compétitif et peut aussi expliquer pourquoi les chinois sont aujourd’hui capables de sortir rapidement des produits de très bonne qualité. Et qui dit concurrence, dit souvent innovations. C’est ce que l’on observe en Chine.

Ces marques commencent à s’imposer en Chine, et lorgnent sur les autres marchés. La plupart des constructeurs chinois vendent déjà leurs modèles dans d’autres régions. C’est le cas de Zeekr, BYD, ou encore Nio. Aujourd’hui, il est intéressant de constater que la situation s’est inversée : l’Europe fait office d’eldorado pour les marques chinoises en 2024 quand la Chine faisait vivre les grandes marques européennes et américaines de 1980 à 2020. BYD mise beaucoup sur les marchés émergents pour continuer de croître. Ses premiers marchés à l’étranger sont la Russie, l’Asie du sud-est, devant l’Europe, puis l’Amérique latine. Une usine va d’ailleurs voir le jour en Hongrie.

Focus sur Nio : un ovni dans le monde de l’automobile ?

Nio, marque fondée par William Li, serial-entrepreneur de la tech chinoise, fait partie des marques pionnières du véhicule électrique en Chine, mais aussi dans le monde. Encore méconnue en France, l’entreprise a pourtant repensé totalement l’approche et l’expérience autour de la voiture. Dès les débuts de l’aventure, l’accent a été mis sur les technologies de conduite autonome, le design et les performances. Une formule qui a fait ses preuves.

La marque se différencie aussi par une innovation de taille : le « battery swap ». Un service qui consiste à changer de batterie en cinq minutes. En Chine, il existe 2 300 stations proposant des batteries pleines et une trentaine en Europe. Elle organise aussi le Nio Day, un événement qui rassemble toute la communauté Nio, à la croisée entre une keynote d’Apple et un concert géant. Depuis quelques années, les grandes villes chinoises se battent pour être sélectionnées comme cité organisatrice.

Sur son créneau premium, Nio a déjà vendu 450 000 voitures. Sur le segment de l’électrique, la marque a pris le dessus sur ses concurrents occidentaux (BMW, Mercedes ou Audi) en Chine. Son arrivée récente en Europe pourrait bien changer la donne. « Nio est pour le moment présente dans cinq pays en Europe (Norvège, Danemark, Suède, Pays-Bas et Allemagne) en plus de la Chine » détaille Nicolas Vincelot. S’il n’y a pas encore de date officielle pour un lancement en France, cela ne devrait plus tarder.

Pour les années à venir, le directeur France de la marque chinoise estime que « l’électrique va devenir mainstream ». Il s’attend à l’arrivée sur le marché d’une offre abordable et précise que « Nio a aussi pour projet de lancer deux nouvelles marques, dont une pour proposer des voitures moins onéreuses afin de rendre le véhicule électrique accessible au plus grand nombre ». Une stratégie multi-marques, à l’opposé de Tesla qui prévoit de sortir sa Model 2, une voiture à 25 000 euros, sous son unique marque.