La directive européenne relative aux travailleurs des plateformes a été adoptée ce lundi par les États membres de l’Union européenne (UE), à l’occasion d’un Conseil ponctué de rebondissements. Ce nouveau cadre législatif vise à améliorer les conditions de travail des chauffeurs VTC, des livreurs, et plus largement de tout travailleur associé à une plateforme numérique.

La troisième fois, c’est la bonne !

En décembre dernier, le Conseil et le Parlement étaient parvenus à un accord provisoire afin de définir le statut des millions de personnes travaillant sur les plateformes en ligne de type Uber ou Deliveroo. Des efforts réduits à néant par l’hostilité répétée de quatre pays membres : l’Allemagne, la Grèce, l’Estonie, et la France. L’Hexagone a jusqu’au bout dénoncé « le caractère très flou » du texte.

Pressée par les élections européennes de juin, une tentative de conciliation a été organisée lundi. L’objectif : sauver la directive. C’est dans les ultimes minutes de cette réunion que Tallinn et Athènes ont changées d’avis. Les deux puissances économiques de l’UE se sont retrouvées isolées, trop pour imposer leurs vues. Les 25 ministres du Travail du Conseil ont voté en faveur du cadre législatif, tandis que les ministres français et allemand se sont abstenus.

Dans la nouvelle version de la directive, on note l’apparition d’une mesure permettant à chaque pays de décider par lui-même si un travailleur doit être considéré comme un salarié ou non. Les plateformes pourront contester les décisions prises en prouvant que ces travailleurs sont authentiquement indépendants.

Pour rappel, la loi indique qu’un travailleur est salarié d’une de ces plateformes si elle coche au moins deux des cinq critères suivants : le fait qu’une plateforme fixe les niveaux de rémunération, supervise à distance les prestations, ne permet pas à ses employés de choisir leurs horaires ou de refuser des missions, impose le port d’uniforme, ou encore leur interdit de travailler pour d’autres entreprises.

Aussi, la directive inclut des mesures en lien avec la gestion algorithmique de ces plateformes. Les travailleurs devront être informés de l’utilisation faite de leurs données personnelles. Les plateformes ne pourront plus utiliser des systèmes automatisés de surveillance ou de prise de décision pour le traitement de certains types de données personnelles, telles que les données biométriques ou celles en lien avec l’état émotionnel ou psychologique du travailleur.

Quel avenir pour la directive en France ?

Les groupes de gauche du Parlement européen ont salué cette victoire sur le fils. Leïla Chaibi, députée européenne du groupe de la Gauche en a aussi profité pour déplorer la position hostile de la France et tout particulièrement Emmanuel Macron. Le président de la République avait été mis en cause dans le cadre des Uber Files. Il a été accusé d’avoir favorisé l’implantation d’Uber en France en tant que ministre de l’Économie. D’où le surnom de « lobbyste pour Uber » utilisé par l’eurodéputée de la France Insoumise.

« C’est un jour important pour les travailleurs des plateformes », s’est permis Nicolas Schmit, commissaire européen à l’Emploi et aux Droits sociaux et responsables du dossier. Les syndicats des travailleurs se sont également réjouis de l’accord trouvé. Ludovic Voet, de la Confédération européenne des syndicats l’a salué, assurant que « des millions de personnes travaillant via des plateformes ne seront plus privées du salaire minimum, des indemnités maladie, des congés payés et de la sécurité sociale ».

De son côté, Move EU, l’association représentant les droits des plateformes dont Uber et Deliveroo, regrette la décision du conseil de l’UE. « Nous pensons que cette réglementation créera une plus grande incertitude juridique pour tous les travailleurs de plateforme, » a jugé Aurélien Pozzana, le président de Move EU.

D’ici deux ans, les États membres de l’UE devront intégrer ces nouvelles règles dans leur législation nationale. Deux possibilités s’offrent à eux. Ils pourront adopter la directrice telle quelle, ou bien aller plus loin en intégrant de nouvelles mesures permettant de mieux définir la notion de salariat chez les travailleurs de plateformes. Au vu de la position française dans ce dossier, difficile d’imaginer l’Élysée privilégier cette seconde éventualité.