La directive européenne qui doit mettre fin aux « faux indépendants », les travailleurs des plateformes comme Uber ou Deliveroo, vient de connaître une étape législative décisive en vue de son aboutissement. Le 13 décembre, après 12 heures de débats, le Conseil de l’UE représentant les États membres et le Parlement européen, sont tombés d’accord sur un texte commun.
Les travailleurs des plateformes obtiennent la présomption de salariat
Si certains aspects techniques restent encore à régler, les grandes lignes de la directive sont confirmées. « Les nouvelles règles que nous avons convenues garantissent que les travailleurs des plateformes, tels que les chauffeurs et les livreurs, bénéficient des droits sociaux et du travail auxquels ils ont droit, sans sacrifier la flexibilité du modèle économique » s’est félicité Nicolas Schmit, Commissaire européen à l’emploi et aux droits sociaux.
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Ce dernier à qualifier le texte d’historique, la rapporteure Elisabetta Gualmini, eurodéputée socialiste & démocrate, évoque quant à elle « un accord révolutionnaire », quand la représentante du Conseil, la ministre du Travail et de l’Économie sociale Yolanda Díaz se veut plus mesurée, y voyant tout de même une « avancée considérable ». Selon les chiffres de la Commission de 2021, 5,5 millions d’indépendants sur 28 millions se verront mieux protégés grâce à ce texte.
Concrètement, ce sera désormais aux plateformes de prouver que la personne avec qui elles travaillent est bien un indépendant et plus l’inverse.
Pour le déterminer, seront considérées comme salariés les personnes remplissant deux des cinq critères suivant :
- La plateforme fixe les rémunérations ;
- La plateforme supervise l’exécution du travail, y compris électroniquement ;
- La plateforme attribut répartit les tâches ;
- La plateforme contrôle les conditions de travail, limite les horaires ;
- La plateforme impose des règles sur l’apparence, l’attitude, l’organisation du travail.
Le texte étant une directive et non un règlement, les États membres sont libres d’ajouter des critères lors de sa transposition dans leurs droits. Elle constitue néanmoins un socle minimum, qu’il ne sera pas possible d’affaiblir. Un coup dur pour le gouvernement français, qui a milité pour une protection moindre de ses autoentrepreneurs depuis la proposition de la Commission fin 2021.
La directive a encore un peu de chemin à parcourir
La directive est la conséquence directe de plus d’une centaine de procédures judiciaires engagées dans toute l’UE sur le statut des travailleurs indépendants depuis 2018. Avec cette directive, Bruxelles souhaite harmoniser l’approche de l’UE sur la question.
Outre le statut, la directive contient d’autres éléments importants. Les plateformes devront être plus transparentes, par exemple en dévoilant le fonctionnement de leurs algorithmes aux indépendants. Elles devront humaniser leurs processus, la suspension d’un compte ne pourra plus se faire sans une intervention humaine. Enfin, elles devront préserver les données des travailleurs, comme s’abstenir de consulter des messages privés, si la personne est syndiquée, son état de santé, ses convictions…
Deliveroo n’a pas voulu commenter avant que l’accord soit validé par le Conseil et le Parlement. Uber a désormais décidé de mettre en avant sa bonne volonté, pour améliorer les protections des travailleurs, tout en demandant de la clarté juridique et de la flexibilité. Le groupe Move EU, représentant les plateformes de VTC à Bruxelles, a déclaré que ces dispositions allaient à l’encontre des envies des chauffeurs eux-mêmes.