On a connu des timings plus heureux. Baidu, à l’origine du moteur de recherche éponyme, le plus utilisé en Chine, à présenter son grand modèle de langage le 16 mars, le lendemain de la sortie de GPT-4 d’OpenAI. La présentation du fondateur de l’entreprise Robin Li, a déçu les investisseurs. Les performances d’Ernie Bot, le nom de l’Intelligence artificielle (IA) n’ont été démontrés qu’au travers d’une vidéo préenregistrée.

Ernie Bot victime de sa timidité

À la manière désormais familière des dirigeants de l’industrie de la Tech, Robin Li s’est présenté seul sur une scène, éclairée par un immense écran, devant un parterre de journalistes dans l’obscurité. Devant environ deux millions de spectateurs sur WeChat, le fondateur a diffusé et commenté une vidéo sur les performances de la très attendue IA générative, Ernie Bot.

À l’image de Google un mois plus tôt, la performance d’une cinquantaine de minutes n’a pas convaincu les investisseurs. L’action de Baidu a enregistré une chute de 6,4 % de sa valeur à Hong Kong. Le cours est depuis remonté.

Dans le cas de Bard, l’IA de l’homologue américain de Baidu, c’est une erreur qui avait suscité cette réaction. Hier Ernie n’a pas commis d’impair et pour cause, sa présentation a été bien scénarisée. Moins de mauvaises surprises, mais un mauvais signal envoyé sur l’aboutissement du modèle de langage.

Devant cette absence de risque et les questions relativement basiques auxquelles a été soumis Ernie, des internautes chinois n’ont pas manqué de moquer Baidu, rapporte Bloomberg. Dès jeudi une liste d’attente a été ouverte aux partenaires et clients de l’entreprise. Aucun calendrier n’a été dévoilé sur le début de l’accès à l’IA ni pour son ouverture à un public plus large.

Robin Li lui-même, probablement dans un souci de transparence, a admis qu’Ernie n’était pas encore parfait, « Je ne peux pas dire que nous sommes tout à fait prêts. L’analyse comparative d’Ernie Bot par rapport à ChatGPT, ou même GPT-4 est une barre haute ».

Selon les informations du Financial Times, le succès de ChatGPT a précipité les travaux de Baidu. Des ressources ont été réaffectées pour le développement de son IA et ne pas se faire distancer par la concurrence américaine. Le géant des moteurs de recherche doit aussi faire face, sur son marché local, aux géants Tencent et Alibaba. L’entreprise semble toutefois la mieux placée dans cette course : elle investit à coups de milliards de dollars depuis quelques années dans les grands modèles de langage.

Baidu, prise en étau par la rivalité sino-américaine ?

La présentation de Baidu a beau avoir engendré des moqueries, de nombreux partenaires ont manifesté de l’intérêt. 30 000 se seraient inscrits sur liste d’attente dans l’heure suivant la diffusion de la prestation. Robin Li a promis que « Sa capacité extrêmement forte à comprendre et à exprimer le langage permettra à toute entreprise de se rapprocher de ses clients ».

Des employés de Baidu ont pu tester Ernie Bot, sous réserve de la signature d’un accord de confidentialité, pour défier l’IA et l’entraîner en condition réelle. La direction estime que Ernie atteint le niveau de ChatGPT de sa sortie grand public de novembre, dans sa version 3.5. Pour bon nombre de partenaires de l’entreprise, l’IA façon Baidu a l’avantage de parler mandarin et, peut-être de savoir mieux s’adapter à la censure et aux réglementations locales.

L’origine chinoise et même pékinoise de Baidu pourrait toutefois lui poser problème. L’entreprise pourrait subir la rivalité de son pays avec les États-Unis pour le développement et l’exploitation de son IA. Washington a déjà interdit à l’export les GPU les plus performants de Nvidia, utilisé pour le fonctionnement de 95 % des IA.

Dès novembre Baidu avait assuré être relativement épargné à ce niveau. L’entreprise a préparé des stocks et des moyens de contournement existent. Elle reste toutefois un acteur, malgré elle à en croire son fondateur, de la course technologique entre la Chine et les États-Unis où l’IA occupe une place majeure.