L’année 2023 a marqué les limites du modèle gratuit sur Internet. Réseaux sociaux, services de streaming, médias… Les plateformes sont de plus en plus nombreuses à déployer des offres premium, à augmenter leurs tarifs et à ajouter la publicité à leurs produits. Un changement de tendance qui affecte tant les annonceurs que les utilisateurs.
Un modèle plus viable
Netflix, Disney, Spotify, Apple, Prime Video… Presque toutes les plateformes de streaming sont concernées par ce phénomène. S’il s’agit d’un mouvement global, des facteurs différents expliquent ce changement de paradigme.
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Par exemple, les importants investissements consentis par Spotify, toujours pas rentabilisés, ont permis de consolider et de fermer le marché du streaming musical, indique à Siècle Digital Jérôme Colin, managing director du cabinet de conseil fifty-five. « Cela a mis de grosses barrières à l’entrée. Aujourd’hui, il est extrêmement difficile d’y pénétrer, » analyse-t-il. Sans concurrence, les entreprises peuvent augmenter leurs tarifs sans craindre d’être supplantées.
Malgré un modèle économique différent pour les plateformes de streaming musical et vidéo, quand les premières fonctionnent avec des redevances, les secondes dépensent pour acquérir les droits des œuvres, leur situation est similaire. La plupart des services de SVOD ont débuté avec des prix bas, mais faute de rentabilité, sont désormais contraintes de les revoir à la hausse. En arrivant sur le marché, Disney+ proposait un abonnement mensuel de 7,99 euros. Depuis, le service a augmenté ses tarifs, à plusieurs reprises, tout en introduisant une offre soutenue par la publicité. Sa souscription standard s’établit aujourd’hui à 10,99 euros.
Le tarif des abonnements des plateformes de SVOD, comme celles de streaming musical, devrait continuer de croître dans les années à venir. « À un moment, il faut gagner de l’argent, » ironise Jérôme Colin.
Les réseaux sociaux prennent une direction similaire. Ceux qui ne génèrent pas de bénéfices, à l’instar de X, anciennement Twitter, ou de Snapchat, lancent des offres payantes. C’est également le cas de Meta qui, pour sa part, répond aux obligations réglementaires imposées par l’Union européenne (UE).
L’incertitude pour les annonceurs
Deux modèles vont coexister, « il y a les modèles payants qui vont devenir de plus en plus chers, et les modèles hybrides où vous payerez moins mais avec de la publicité, » explique l’expert. Les modèles gratuits vont perdurer, mais ils seront moins légion. Surtout, ils obligeront les utilisateurs à faire davantage de concessions, comme partager leurs données. Par exemple, les utilisateurs des plateformes de Meta sont maintenant obligés de consentir à fournir leurs informations personnelles pour ne pas payer d’abonnement.
Ce changement de cap touche directement les annonceurs. « Ils vont avoir du mal à cibler et sont un peu perdus face à toutes les offres qui arrivent. Ils ne savent pas où mettre leur argent, » analyse Jerôme Colin. Une situation exacerbée par la fin prochaine des cookies tiers et l’arrivée du programme Privacy Sandbox de Google, qui vise à les remplacer. « 2024 sera une année de grands chamboulements. Il risque d’y avoir un budget non dépensé, car on ne saura pas comment procéder, » prédit-il.
Les plateformes de streaming offrent de nouvelles opportunités publicitaires et une nouvelle audience. L’abonnement avec publicité de Netflix compte désormais 23 millions d’abonnés, contre 15 millions en novembre. Toutefois, seuls quelques acteurs peuvent en profiter, le format vidéo n’étant pas pour tous les secteurs. « C’est très orienté image et notoriété, » note-t-il. Sans les cookies tiers, les géants de la SVOD risquent eux aussi de pécher en termes de ciblage.
Ceux qui tirent leur épingle du jeu
D’autres acteurs, comme TF1 ou Amazon, pourraient bien tirer leur épingle du jeu. Les deux groupes détiennent des données first party essentielles sur leurs utilisateurs. En étant capables de collecter ces informations auprès de leur public, elles sont en mesure de personnaliser la publicité sans passer par des sources tierces de données. En suivant la même logique, le modèle publicitaire des réseaux sociaux ne devrait pas tant évoluer.
Chez les annonceurs, une tendance se dégage déjà, qui se tournent davantage vers le retail media. Cette filière « commence à être mûre », remarque Jerôme Colin. Dans une étude, GroupM indique que les dépenses dans le retail media ont augmenté de 9,8 % en 2023 pour atteindre les 119,4 milliards de dollars de dépenses. Elles devraient encore croître de 8,3 % en 2024.