Ça y est. Après trois ans de procédures en tout genre, Google va faire face à la section antitrust département de la Justice américain devant un tribunal fédéral. Pour beaucoup, le procès qui s’ouvre à Washington D.C., le 12 septembre, pourrait aboutir à un changement dans la façon dont sont régulées les plateformes numériques.
Google est prêt pour la bagarre
« Comme nous le disons depuis le début, ce procès est profondément bancal », attaque rapidement Kent Walker, président des affaires mondiales de Google dans un billet de blog publié le 8 septembre. Le géant du numérique est accusé d’avoir empêché l’émergence de moteurs de recherche alternatifs grâce à des pratiques illégitimes.
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Le département de la Justice, rejoint par les procureurs généraux des États, estime que l’entreprise a assis sa domination, 90 % des recherches aux États-Unis, 91 % dans le monde aux dépens des autres. Au cœur des accusations se trouvent des accords à plusieurs milliards de dollars avec les fabricants de smartphones Apple et Samsung, pour faire de Google leur moteur de recherche par défaut. De même pour les appareils utilisant le système d’exploitation Android.
Google, de son côté, ne perçoit pas dans ses pratiques de contradiction avec les lois antitrust américaines. L’entreprise base sa défense sur une idée simple : « les fabricants de navigateurs et d’appareils ont le choix, et ils choisissent Google ». Pour la société, sa réussite est liée à sa qualité « et non à la quantité de nos contrats ». Elle cite notamment Firefox, le navigateur est un temps passé au moteur de recherche Yahoo, avant de revenir vers Google.
L’entreprise fondée par Larry Page et Sergey Brin va tenter également d’élargir la définition du marché du « Search ». Il est dans son intérêt d’en pousser les frontières, pour diminuer son image de domination. Sous la plume de Kent Walker cela donne, « vous pouvez rechercher des recommandations sur TikTok, Reddit ou Instagram, trouver de la musique et des podcasts sur Spotify, poser une question à ChatGPT ou faire des achats sur Amazon ». Pour l’entreprise le temps à changer depuis les années 90, les moteurs de recherche ne dominent plus autant, ils doivent faire face à des sites spécialisés.
L’ombre pesante de Microsoft
Les années 90 renvoient directement au dernier grand procès antitrust de la tech américaine : Microsoft. Ce dernier a commencé un mois après la création de Google, en octobre 1998 et lui a beaucoup bénéficié. Les parallèles entre les deux affaires ne manquent pas. Au centre des procès contre Microsoft, la capacité de l’entreprise à imposer son navigateur, Internet Explorer sur son système d’exploitation dominant le marché, Windows. À l’époque, parmi les entreprises s’estimant lésées par ces pratiques, se trouvait NetScape.
La société était alors défendue par un certain Kent Walker, qui entrera chez Google en 2006. Les poursuites contre Microsoft ont été inspirées par une note de Susan Creighton, avocate spécialisée dans l’antitrust et désormais du côté de Google. Idem pour John Schmidtlein, qui représentait à l’époque la force publique contre Microsoft. Les protagonistes sont similaires, ils sont simplement passés dans le camp d’en face estimant que les temps avaient changé.
Les plus hauts responsables de l’antitrust du département de la Justice, en charge du dossier, n’ont pas précisé quelles mesures réparatoires ils pourraient exiger en cas de victoire. Microsoft n’était pas passé loin de la partition : la société s’est sauvée en appel. Théoriquement, Google pourrait être exposé à ce risque, mais la probabilité est faible. Comme Microsoft, le groupe pourrait être contraint de changer de pratiques, ne plus signer d’accord de distribution exclusive est une possibilité. C’est déjà le cas en Europe.
La gestion des affaires antitrust aux États-Unis pourrait être bouleversée après le procès
Ce sera au juge Amit Mehta de trancher d’ici la mi-novembre. Il devra dans un premier temps déterminer si Google est bien coupable. S’il estime que c’est le cas, il déterminera une sanction. En parallèle, le département de la Justice a ouvert un second front, cette fois du côté de la publicité.
L’issue du procès est déjà perçue par la presse locale comme déterminante pour l’avenir de la régulation des grandes plateformes numériques aux États-Unis. Une victoire pourrait aboutir à une avalanche de poursuites, une défaite pourrait rasséréner les grandes entreprises Tech et, ou, accélérer l’adoption de nouvelles lois pour adapter les règles antitrust à la révolution numérique. Outre-Atlantique, les médias s’attendent, quoi qu’il arrive, à un procès historique.