En coulisses, OpenAI n’a pas fait dans la demi-mesure. L’entreprise spécialisée dans le développement de solutions d’intelligence artificielle (IA) génératives a réussi à influencer les instances législatives de l’Union européenne afin d’éviter que l’AI Act européen ne soit trop sévère.

Une première réunion pour prendre la température

Selon les informations du Time, qui a réussi à obtenir plusieurs documents de la Commission européenne, OpenAI ne ménage pas ses efforts de lobbying auprès de la Commission européenne. Selon le registre de transparences des législateurs européens, en juin 2022, un premier rendez-vous a été organisé avec un membre du cabinet de Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive de la Commission européenne en charge du numérique et de la concurrence.

Au cours de celui-ci, les représentants d’OpenAI ont exprimé leurs inquiétudes vis-à-vis du système de classification des IA présent dans l’AI Act européen. GPT-3, le modèle de langage qui a permis la conception de ChatGPT, serait inclus dans les systèmes à haut risque. Le texte propose quatre stades de risques, chacun s’accompagnant de contraintes spécifiques, la technologie d’OpenAI se situe au deuxième le plus élevé. Un vrai coup dur pour l’entreprise qui souhaite que ses outils soient utilisables par le plus grand nombre, professionnels comme particuliers.

Si ChatGPT se retrouve dans cette catégorie, OpenAI serait contraint de modifier son outil, puis de le soumettre à une batterie de tests afin d’être accessible aux Européens, si les régulateurs valident sa conformité. Lors de ce premier entretien, les porte-parole de l’entreprise n’auraient pas formulé d’exigence autour de l’assouplissement de la réglementation.

Le livre blanc d’OpenAI, le document qui a changé la donne

C’est en septembre 2022 que tout s’est accéléré. Les représentants d’OpenAI ont alors envoyé un livre blanc à la Commission européenne et au Conseil de l’UE. La société a mis en avant tous ses arguments pour prouver que GPT-3 n’a pas à être classé dans la catégorie à haut risque. Interrogé par Time, Daniel Leufer, analyste spécialisé dans l’IA pour Access Now, considère que cette manœuvre a permis à OpenAI de demander aux instances européennes « de leur faire confiance pour autoréguler ses systèmes ».

Le rapport suggère même quelques mesures. La firme souhaite que les mises à jour des systèmes pour des raisons de sécurité n’aient pas à repasser par une évaluation des régulateurs afin d’être à nouveau disponibles sur le marché européen. De la même manière, elle invite également la Commission européenne à ne pas considérer les modèles d’IA pour l’emploi et l’éducation comme des systèmes à haut risque.

Lors de l’adoption de l’AI Act européen par le Parlement, le 14 juin dernier, plusieurs pans de texte en lien avec ces suggestions et présents dans la version initiale de la loi ont disparu ou ont été modifiés, prouvant qu’OpenAI a réussi à convaincre les législateurs. De nouvelles mesures présentées au début du mois de mai afin de réguler les IA génératives ne faisaient référence qu’au respect des droits d’auteur ou à la génération de contenus à caractère discriminatoire.

Sam Altman, chef d’orchestre de ces actions de lobbying, porte le coup de grâce

Depuis plusieurs semaines, Sam Altman, président-directeur général d’OpenAI, joue le jeu du funambule. À la fin du mois de mai, le dirigeant avait déclaré que « ses équipes essaieraient de se conformer » à l’AI Act européen. Il avait toutefois ajouté que dans l’éventualité où son entreprise ne réussirait pas à s’adapter à ce cadre législatif, elle ne resterait pas sur le vieux Continent.

Quelques jours après avoir tenu ces propos, le cofondateur d’OpenAI était revenu sur sa décision dans un tweet. « Une semaine riche en conversations sur le continent européen autour de la meilleure façon de réglementer l’IA ! Nous sommes ravis de continuer à opérer ici et n’avons bien sûr pas l’intention de partir, » avait-il écrit.

Le lendemain, le PDG rencontrait Margrethe Vestager, et Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne. Aucune information n’a été divulguée autour de ces entretiens. Le 14 juin 2023, c’est un AI Act européen plus souple qui fut adopté par le Parlement européen.