Retard, désaccords stratégiques entre les membres, ouverture à des entreprises non européennes, projets concurrents… Le cloud souverain voulu par l’Europe semble difficile à mettre en œuvre.

Un cloud souverain ouvert aux acteurs non européens

Souhaitée par les ministres de l’Économie allemands et français, Bruno Le Maire et Peter Altmaier en juin 2020, l’association Gaia-X est née moins de six mois plus tard. Son principe est simple, édifier des règles communes pour faire émerger des services cloud européens. Le but est de tendre vers une souveraineté numérique, en localisant les données des Européens, sur le Vieux Continent.

Aujourd’hui plusieurs comités techniques se sont mis au travail, des dizaines de centres ont été mis en place en Europe et l’association compte 320 organisations membres. Pourtant les résultats concrets de Gaia-X tardent. Des groupes de travail sont jugés superflus quand d’autres, plus importants, repoussent des mises à jour attendues. Pire, le projet prend des directions suscitant l’incompréhension.

Fin mars 2021 le projet s’est ouvert à des entreprises américaines et chinoises, Microsoft, Google, Huawei, Alibaba ont intégré Gaia-X. Un garde-fou a été mis en place, les sociétés non européennes ne peuvent pas intégrer le conseil d’administration de l’association.

Il n’empêche, elles sont intégrées aux comités techniques où sont discutées les règles s’appliquant aux futurs clouds européens. De plus, des associations présentent au conseil d’administration de Gaia-X, Digital Europe, CISPE, Bitkom, représentent les intérêts de certains GAFAM.

Yann Lechelle, PDG du fournisseur de cloud français Scaleway, a expliqué à Politico que cette décision n’était pas si surprenante, tant les entreprises européennes sont habituées à travailler avec les services américains. Google dispose d’un partenariat avec Orange et Thales en France, Deutsche Telekom en Allemagne. L’opérateur français est également lié à Microsoft. AWS, Microsoft Azure et Google contrôlent 69% du marché du cloud européen.

Un sommet Gaia-X organisé en novembre

Cette situation a entraîné l’émergence d’initiatives alternatives. Scaleway et 22 autres membres fondateurs ont créé une alliance, Euclidia, pour permettre la naissance d’un véritable cloud européen souverain. Des sociétés européennes misent également sur l’arrivée du Digital Market Act. La nouvelle législation européenne pourrait faciliter la naissance d’un challenger à côté des empires américains.

La Commission européenne elle-même a lancé des initiatives pour atteindre cet objectif. Une alliance industrielle proposée en juillet, qui manque encore de substance et un projet important d’intérêt européen commun (IPCEI) pour le cloud.

En attendant Gaia-X continu son travail. Ses défenseurs pointent la difficulté de trouver un consensus entre tous les partis représentés au sein de l’association et l’attente, peut-être un peu trop élevée dans l’organisation. Au cours du mois de novembre, Gaia-X va tenir un sommet à Milan. Plusieurs labels devraient être présentés à cette occasion pour certifier la qualité des fournisseurs de services cloud en sécurité, confidentialité et souveraineté.