En plein Gaia-X Summit 2021, Scaleway, membre fondateur du projet visant à établir une infrastructure de données européenne, a annoncé ce 18 novembre qu’elle ne renouvellerait pas son adhésion à Gaia-X. Une déception que l’entreprise ne semble pas être la seule à ressentir côté français.

L’étrange ouverture aux acteurs extra-européens

Contacté par Siècle Digital, Yann Lechelle, directeur général de Scaleway, a expliqué avoir pris sa décision avec ses équipes dans la matinée. Une idée présente dans les couloirs de l’entreprise française depuis plusieurs semaines voire mois, « Cela ne sert à rien de tergiverser, de continuer de subventionner un projet auquel nous ne croyons plus » constate Yann Lechelle. Il souhaite néanmoins à « Gaia-X de continuer à avancer, il y a des choses vraiment intéressantes dans le projet ».

Depuis sa naissance sous l’égide des gouvernements allemand et français, Gaia-X a suscité beaucoup d’incompréhension. Au cœur de toutes les polémiques, un choix : l’ouverture aux entreprises extra-européennes pour un projet présenté comme le futur cloud souverain européen.

Une décision qui a failli mener au départ de Scaleway, déjà, « nous allions claquer la porte, mais les Allemands ont souhaité un compromis », se remémore Yann Lechelle. Ce compromis c’est le choix d’exclure les acteurs extra-européens et surtout Américains des instances dirigeantes de l’association, « Nous y croyions avec scepticisme » pointe le DG.

Une incompréhension franco-allemande à l’origine de Gaia-X

Pour Yann Lechelle le ver dans le cloud était présent dès la genèse de Gaia-X. Sous l’impulsion du ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, les acteurs français du cloud ont rejoint un projet initié d’abord par l’Allemagne. « Une bonne chose et un beau projet » note Lechelle, mais dès le début les deux groupes ont des buts différents, « Les Allemands avaient une vision d’autonomie stratégique, là où les entreprises françaises avaient une volonté d’équilibrer les forces ».

En clair, pour les entreprises allemandes l’objectif de Gaia-X est de continuer à travailler main dans la main avec les acteurs américains, en s’aménageant un peu plus de liberté. Les entreprises françaises souhaitaient valoriser les offres cloud européennes, pour donner aux acteurs locaux la possibilité de mieux rivaliser avec les géants américains, dominant sur le vieux continent. Yann Lechelle précise « Loin de moi l’idée de mettre à la porte les acteurs américains. Non, il faut une présence de tous les acteurs, simplement recréer un équilibre raisonnable ».

Selon le directeur général de Scaleway, un an plus tard, le résultat du compromis trouvé à l’arrivée des entreprises extra-européenne n’a pas été à la hauteur, « Aujourd’hui nous nous rendons compte que les acteurs dominants sont indirectement bien représentés dans le board et les comités techniques ». Il ajoute qu’il suffit de regarder les sponsors du Summit 2021 pour s’en rendre compte, Huawei, Alibaba, Microsoft et AWS. Des soutiens qui ont fortement déplu en interne au-delà de Scaleway, rapporte nos confrères de Politico.
Scaleway trace sa route de son côté

Scaleway n’apparaît pas effrayé par l’après-Gaia-X

L’entreprise française va « consacrer son temps, ses capitaux et son attention à améliorer son offre multicloud, un facteur clé pour une véritable réversibilité et ouverture » détail Yann Lechelle. Ce dernier constate « depuis le Covid et le conflit commercial entre les États-Unis et la Chine lancé par Trump » une vraie demande des clients pour la localisation des données en France ou en Europe.

En parallèle, Scaleway et d’autres ont lancé Euclidia. Un rassemblement de plusieurs entreprises européennes visant à « défendre et présente ce qu’il existe comme solution cloud en Europe, surtout sur la couche logicielle où se situe toute la valeur du Cloud ». Yann Lechelle conteste « l’idée que nous avons perdu la bataille contre les GAFAM ». Si les investissements de ses derniers sont à la hauteur de leur richesse, leurs investissements sont répartis dans plusieurs régions du monde. Un optimisme nécessaire tant la guerre pour le rééquilibrage du marché s’annonce longue : selon une étude récente de Synergie Research, Amazon, Microsoft et Google représentent 69% du marché européen.

Sollicité par Siècle Digital, Gaia-X n’a pas répondu pour le moment. L’article sera mis à jour lorsque l’organisation publiera une réaction officielle.