Au Brésil, le Congrès et le Tribunal supérieur électoral (TSE) mènent une enquête sur l’élection présidentielle de 2018. En cause, une utilisation de l’application WhatsApp allant à l’encontre des règles électorales par le président élu, Jair Bolsonaro. WhatsApp a révélé avoir dû supprimer plus de 400 000 comptes de son service durant la campagne, entre le 15 août et le 28 octobre.

Le Parti des Travailleurs, le parti de gauche défait par Jair Bolsonaro en 2018, avait demandé dès la campagne électorale, le 18 octobre 2018, une enquête du TSE. La gauche accusait et continue d’accuser le président d’extrême droite d’avoir massivement diffusé via WhatsApp des fausses informations aux électeurs.

WhatsApp, cible idéale pour les campagnes politiques au Brésil

WhatsApp est massivement utilisée au Brésil. Selon l’Harvard Business Review 96% des Brésiliens propriétaires d’un smartphone ont installé l’application. En mai 2017 le Brésil était le deuxième pays en nombre d’abonnés, 120 millions, sur la messagerie.

Cette performance rend de fait l’application attractive pour les personnalités politiques en campagne. Seulement WhatsApp reste une messagerie, les conversations sont limitées à 256 utilisateurs et pas illimitées comme peut l’être une page Facebook, par ailleurs propriétaire de WhatsApp depuis 2014. Pour passer outre cette difficulté quatre entreprises spécialisées dans l’envoi massif de messages standardisés auraient été sollicitées par des entreprises privées proches de Bolsonaro, Quick Mobile, Yacows, Croc Services, SMS Market.

WhatsApp a justifié devant les législateurs brésiliens avoir supprimé 400 000 comptes justement parce que son règlement, « interdit expressément l’utilisation de toute application ou robot pour envoyer des messages de masse ou pour créer des comptes ou des groupes de manière non autorisée ou automatisée« .

Pour lutter contre ce phénomène, WhatsApp n’a pas seulement supprimé des comptes. L’application a également limité le transfert de messages à 5 et a ajouté une étiquette « transmis » et « hautement transmises » pour signaler aux utilisateurs les messages massivement diffusés.

L’éternelle problématique des fake news

En plus de la diffusion même de ces messages politiques, leur contenu pose question. Ces derniers étaient un vecteur à « Fake News », désormais omniprésentes sur les réseaux sociaux au cours des campagnes électorales de la plupart des pays démocratiques.

Selon une étude du Guardian, récemment publiée, sur près de 12 000 messages viraux analysés dans 296 groupes de discussion 42% des messages favorables à Bolsonaro contenaient des fake news contre 3% pour son concurrent.

La statistique n’est guère étonnante lorsque l’on sait que le président d’extrême droite a été conseillé par Steve Bannon. Ce dernier était en 2016 le stratège électoral de Donald Trump, particulièrement éclaboussé par l’affaire Cambridge Analytica. Membre du conseil d’administration de l’entreprise c’est lui qui avait poussé le candidat républicain à utiliser ces services.

C’est justement à la suite de cette campagne que Facebook avait pris des mesures pour limiter la diffusion de fausses nouvelles sur son réseau : plus de modération, signalement par les utilisateurs, publicité politique plus clairement exposée, partenariat avec des médias de factchecking…

Autant de mesures inapplicables sur WhatsApp comme l’expliquent ses porte-paroles, « Parce que WhatsApp est une plate-forme cryptée, nos décisions contre les activités de messagerie automatisée et de messagerie en masse sont basées sur le comportement du compte plutôt que sur le contenu des messages « . La messagerie avait tout de même expliqué « WhatsApp a apporté d’importants changements de produits et travaillé avec des partenaires de la société civile pour aider à faire face aux conséquences néfastes de la désinformation « .

Les Fake news ne sont pas dans le cœur de l’enquête du Tribunal supérieur électorale

Aujourd’hui la désinformation n’est pas le cœur de l’enquête menée contre Bolsonaro. Le président brésilien est soupçonné d’avoir contrevenu aux lois électorales brésiliennes. Au Brésil le financement d’une campagne électorale par des entreprises privées est interdit. Or ce sont bien des entreprises proches du président qui auraient payé, à hauteur de 2,8 millions d’euros selon le quotidien Folha de S. Paulo relayé par l’Express, les services des quatre entreprises spécialisées dans l’envoi de messages automatisés.

À cette première sérieuse accusation vient s’ajouter l’utilisation frauduleuse de listings d’électeurs brésiliens. La loi électorale locale autorise seulement le démarchage des sympathisants de son parti politique. Difficile de déterminer si les quatre entreprises qui ont inondé WhatsApp n’ont pas utilisé d’autres listings.

Le Parti des Travailleurs aurait réclamé au TSE d’infliger 8 ans d’inéligibilité à l’encontre de Jair Bolsonaro. Ce dernier nie fermement ces accusations, son entourage évoque de la diffamation. Affaire à suivre. Pendant ce temps, et à un peu moins d’un an des élections américaines, Facebook se retrouve à nouveau, via sa filiale WhatsApp, au cœur d’une polémique sur les fake news.