« Comparé aux humains et aux animaux, l’apprentissage automatique craint », lançait Yann LeCun, vice-président et directeur scientifique de l’intelligence artificielle (IA) de Meta, devant des journalistes, la semaine dernière. Au cours d’une journée pour célébrer les 8 ans du centre de recherche fondamentale sur l’IA (FAIR) du groupe basé à Paris, lui, ainsi que d’autres cadres de la division IA, ont pris la parole pour revenir sur les ambitions du géant de la tech pour cette technologie.
Des années chargées d’intelligence artificielle
Sur scène, Yann LeCun, Naila Murray, responsable d’équipe pour la région EMEA et Joëlle Pineau, vice-présidente de Meta AI, se sont relayés pour présenter les projets de Meta en matière d’intelligence artificielle, pour les prochaines années.
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Si l’engouement autour de l’IA, notamment générative, s’est accéléré avec la sortie publique de ChatGPT en décembre dernier. « Nous sommes loin d’être en retard, cette idée est complètement fausse », assure Naila Murray, « nous utilisons l’IA en interne depuis des années ». L’intelligence artificielle est d’ores et déjà présente dans un grand nombre de produits de la société comme la famille Meta Quest, les casques de réalité virtuelle et augmentée, ou plus récemment dans ses services publicitaires.
Après une année 2022 difficile, avec pour la première fois de son histoire, une baisse de son chiffre d’affaires, Meta table sur l’IA pour faire de 2023 son « année de l’efficacité ». La maison mère de Facebook et Instagram semble avoir mis au placard le métavers, qui a rythmé son quotidien en 2022, pour se concentrer sur l’IA. Interpellé sur le sujet, Yann LeCun précise que Meta n’a pas abandonné ses projets pour autant, « il n’y a pas de métavers sans l’intelligence artificielle et vice-versa ». Aujourd’hui, le groupe préfère simplement se concentrer sur la technologie à la mode.
Au cours des six derniers mois, le mastodonte a partagé plusieurs innovations comme DINOv2, son algorithme d’apprentissage autosupervisé dans le secteur de la vision par ordinateur, mais surtout LLaMA, son propre modèle de langage.
Quel futur pour l’IA chez Meta ?
Si pour de nombreuses entreprises l’IA générative représente la technologie de demain, Yann LeCun ne l’entend pas de cette oreille. « Dans plusieurs années, nous n’utiliserons plus de modèle de langage, car nous disposerons de meilleures alternatives », assure-t-il. Dans la foulée, le chercheur dévoilait un nouveau modèle d’IA, reposant sur une architecture prédictive à intégration conjointe (JEPA). Selon Meta il serait deux à dix fois plus efficace que les modèles de langage reposant sur l’intelligence artificielle générative.
Cependant, développer une alternative aux grands modèles de langage ne veut pas dire arrêter les recherches sur l’IA générative. De manière générale, Yann LeCun estime que trois grands défis se dressent dans le domaine de l’intelligence artificielle :
- Un moyen de créer des systèmes prédictifs capables d’apprendre grâce à des « représentations du monde extérieur » ;
- Construire des modèles « doués de raison », en rendant le raisonnement compatible avec l’apprentissage ;
- Mettre au point une technologie pouvant planifier des séquences d’action complexes.
Le patron de l’intelligence artificielle de Meta a également évoqué le paradoxe de Moravec auquel se heurtent les chercheurs. Plus une tâche est simple à réaliser pour l’Homme, plus elle est difficile à reproduire pour l’IA, et inversement. « Les systèmes IA ne capturent pas la partie de l’expérience humaine. Ça les empêche d’être capables de prévoir des actions dans le monde », confiait-il sur la scène de la 7e édition de VivaTech, le 14 juin, « c’est une de leurs limites ».
Les sempiternelles craintes envers l’IA
Les limites de l’intelligence artificielle sont un sujet qui interroge. Si un grand nombre de personnes craignent que cette technologie soit un jour capable d’égaler l’être humain, Yann LeCun se veut rassurant. Pour le moment, le niveau de l’IA serait proche de l’intelligence d’un chien. « L’IA devrait amplifier l’intelligence des humains », notait-il au FAIR, allant jusqu’à dire qu’elle « va provoquer une nouvelle renaissance de l’humanité », au même titre que l’imprimerie à son époque.
Jean-Rémi King, chercheur en IA, lui aussi pour Meta, fait remarquer « qu’il est contre-intuitif de comparer l’IA au cerveau ». L’intelligence artificielle sera toujours plus efficace que l’Homme, en particulier sur des tâches complexes comme la traduction ou l’enregistrement d’informations. « Nous considérons déjà [les systèmes d’IA] comme super intelligents, voire proches de l’humain en termes de performances comme la traduction ou la reconnaissance d’images », évoquait Yann LeCun avant de rappeler que « les faire devenir plus gros ne va pas leur permettre d’atteindre le niveau de l’intelligence humaine ».
L’open source, la solution pour montrer patte blanche
Afin d’apaiser les possibles craintes, Meta joue la carte de l’open source, à mi-chemin « entre la transparence et la privatisation », explique Joëlle Pineau. Elle déclare que la société californienne « commence désormais chaque projet avec l’intention de le rendre open source ». Toutefois, les travaux du groupe ne sont pas forcément accessibles au grand public. C’est le cas de LLaMA qui était uniquement destiné aux chercheurs avant de fuiter début mars, deux semaines après son lancement.
Rendre la technologie plus transparente a toujours été le cheval de bataille de Joëlle Pineau. « L’open source nous pousse à l’excellence », affirmait-elle, « la transparence renforce la confiance dans nos découvertes ». Second mot d’ordre pour la chercheuse : la collaboration. Cela permet de « placer la barre très haut en matière d’excellence et de responsabilité et nous conduit à de meilleures solutions ».
Après de nombreux scandales, comme celui de Cambridge Analytica, Meta souhaite montrer patte blanche. En mettant l’accent sur l’open source, Joëlle Pineau espère « que nous arriverons à un point de confiance avec le gouvernement et le public ». La Canadienne croit en la possibilité de faire d’importantes recherches avec beaucoup de transparence, notamment dans le domaine de l’intelligence artificielle.