L’ambition des États-Unis d’entraver le développement de la Chine en matière d’intelligence artificielle (IA) ne semble pas être aussi efficace que prévu. Pour ne pas pénaliser ses entreprises, Washington autorise l’exportation de semi-conducteurs permettant de les entraîner à condition que ceux-ci soient bridés. Une contrainte qui ne gênerait pas tant les sociétés chinoises, d’ores et déjà adaptées à la situation.
Les ambitions de Washington pour freiner la Chine
Depuis le mois d’octobre, les États-Unis ont violemment restreint l’export de semi-conducteurs et de matériel pour en fabriquer vers la Chine. Pour s’en procurer, les entreprises chinoises présentent sur l’Entity list, une liste noire instaurée par le département du Commerce. Elles doivent décrocher une licence afin d’acheter les produits américains tels que ceux de NVIDIA.
Inscrivez-vous à la newsletter
En vous inscrivant vous acceptez notre politique de protection des données personnelles.
Craignant que Pékin puisse se servir de technologies reposant sur l’intelligence artificielle à des fins militaires, Washington cherche à en empêcher son développement. En effet, pour entraîner leurs IA, les géants chinois de la technologie ont besoin des puces les plus avancées, dont font partie les modèles H100 et A100 de NVIDIA. Trop puissantes, ces dernières leur sont inaccessibles.
Des semi-conducteurs moins puissants pour Pékin
Pour continuer à commercer avec l’Empire du Milieu, qui reste l’un de ses marchés les plus importants, NVIDIA propose à la vente des versions moins efficaces de ses produits comme le modèle H800 et A800. Avec une puissance de calcul et un taux de transfert de données réduit, ces semi-conducteurs répondent aux réglementations du gouvernement américain. Un moyen pour les sociétés chinoises de maintenir une certaine progression dans le secteur de l’intelligence artificielle.
En l’état, Tencent estimait, en avril, que les puces H800 allongeraient le temps d’entraînement à 11 jours, là où le modèle H100 en demande seulement 4. Charlie Chai, un analyste pour le cabinet 86Research, a expliqué à l’agence de presse Reuters que « les entreprises spécialisées dans l’IA auxquelles nous nous adressons semblent considérer que le handicap est relativement faible et gérable ».
De son côté, NVIDIA déclarait que « les contrôles à l’exportation d’octobre nous obligent à créer des produits dont l’écart entre les deux marchés ne cesse de se creuser ». Avant d’ajouter que « nous respectons les réglementations tout en offrant des produits aussi compétitifs que possible sur chaque marché ».
Des alternatives qui s’avèrent efficaces
Cependant, il est clair que ces restrictions ont un coût. Les analystes du cabinet UBS, relayés par le Wall Street Journal, évaluaient le nombre de puces A100 nécessaires pour entraîner un modèle de langage comme ChatGPT à entre 5 000 et 10 000. Il faudrait plus du double de puces moins performantes pour arriver à un tel résultat.
D’après la China Semiconductor Industry Association, une association commerciale de l’industrie des semi-conducteurs en Chine, il resterait entre 40 000 et 50 000 modèles A100 en Chine, obtenu avant l’établissement des restrictions. Les mastodontes chinois de la tech en possédant ont commencé à les réserver pour les activités nécessitant une puissance de calcul importante.
Dans l’objectif d’économiser ces précieux produits, de plus en plus d’entreprises chinoises s’essaient à combiner différents semi-conducteurs pour simuler leurs performances. Une solution de dernier recours qui semble être efficace. En mars, Huawei s’était vanté d’avoir eu recours à ce procédé pour entraîner son propre modèle de langage, PanGu-Σ (PDF). Malgré quelques lacunes, celui-ci s’est montré presque totalement opérationnel.
Alors que le nombre de semi-conducteurs nécessaires pour développer les systèmes d’IA baisse, les restrictions des États-Unis s’avèrent de moins en moins efficaces. Cade Daniel, ingénieur logiciel pour Anyscale, confiait à Reuters que « ces restrictions à l’exportation sont perceptibles, mais elles ne sont aussi dévastatrices qu’elles auraient pu l’être ».