Selon une étude menée par Citizen Lab, un groupe de recherche en cybersécurité de l’université de Toronto, la Chine utilise plus de 60 000 règles uniques pour censurer les résultats des moteurs de recherche.

Des centaines de milliers de mots censurés

L’Empire du Milieu exerce un contrôle millimétré d’Internet, à tel point que son système de censure en ligne lui permettant de filtrer et de bloquer les contenus jugés inappropriés a un nom : la Grande Muraille virtuelle de Chine. Dans le pays, de nombreuses plateformes américaines sont bloquées, à l’instar de Google, de Twitter, de Facebook, ou encore de Wikipédia. Pour celles qui sont disponibles, les règles à respecter sont incroyablement nombreuses, comme le démontre l’étude de Citizen Lab.

Les chercheurs se sont intéressés à huit plateformes en ligne proposant des résultats de recherche. Sept sont chinoises, Baidu, Baidu Zhidao, Bilibili, Douyin, Jingdong, Sogou, et Weibo, tandis que le seul représentant étranger est Microsoft Bing. Leurs résultats suggèrent que le dispositif de censure de Pékin est devenu non seulement plus omniprésent, mais également plus subtil. Au total, les chercheurs ont découvert 505 903 mots-clés, ainsi que 60 774 combinaisons de mots-clés censurés sur toutes les plateformes de recherche étudiées. Chacune d’entre elles applique des règles strictes visant à rester dans la légalité au regard du gouvernement chinois.

Ainsi, elles ont mis au point des algorithmes pour « censurer strictement » les recherches considérées comme politiquement sensibles en ne fournissant aucun résultat. Elles ont également limité les résultats à des sources sélectionnées, qui sont généralement des agences gouvernementales ou des organisations de presse d’État qui suivent la ligne du Parti communiste.

« Vous n’obtiendrez peut-être aucun résultat s’il s’agit d’un sujet très sensible, mais si votre requête est soumise à ce type d’autocensure, vous aurez l’impression d’obtenir des résultats normaux, mais ce n’est pas le cas en réalité. Vous n’obtenez des résultats qu’à partir de certains sites web préautorisés », détaille Jeffrey Knockel, chercheur principal à Citizen Lab et l’un des auteurs du rapport.

La Grande Muraille virtuelle s’adapte à l’actualité

L’étude a démontré que les milliers de mesures qui censurent l’Internet chinois évoluent très rapidement selon l’actualité. Ces dernières années, ces mesures ont commencé à englober des sujets comme le Covid-19 ou la diffamation des héros ou martyrs du pays.

Plus récemment encore, l’étude a révélé que Weibo, l’équivalent chinois de Twitter, avait restreint les résultats de recherche pour le terme « ballon espion chinois » de sorte que seules les informations provenant de sources officielles chinoises apparaissent. De même, Baidu a bloqué tous les résultats de recherche pour les requêtes contenant le nom du dirigeant du pays, Xi Jinping, le président russe Vladimir Poutine et le mandat d’arrêt international émis contre le président russe, quelques jours avant la visite du président chinois à Moscou en mars.

Étonnement, les chercheurs ont découvert que Bing était la plateforme la plus diligente de toutes. Si les entreprises chinoises ont adopté plus de règles que Bing, le moteur de recherche de Microsoft applique des mesures plus larges et affectant davantage de résultats de recherche. Une porte-parole de Microsoft a indiqué au New York Times que l’entreprise examinerait les résultats de l’enquête, mais qu’elle ne les avait pas encore entièrement analysés.

Dans leur conclusion, les auteurs de l’étude estiment que la mainmise du gouvernement chinois sur Internet est telle qu’aucune plateforme étrangère n’a la possibilité d’améliorer la situation. « Quels que soient les problèmes liés aux droits de l’Homme qui existent depuis longtemps en Chine, ils ne seront pas réglés comme par magie par les entreprises technologiques nord-américaines qui font des affaires sur le marché chinois. Au contraire, notre rapport montre que les utilisateurs de Microsoft Bing sont soumis à des niveaux de censure politique et religieuse plus élevés que s’ils avaient utilisé le service du principal concurrent chinois de Bing », affirment-ils.

L’année dernière, Pékin a également commencé à imposer un contrôle stricte sur tous les commentaires postées en ligne.