C’est bien connu, l’Internet chinois est fortement contrôlé par le gouvernement. L’expression Grande Muraille Virtuelle n’est pas due au hasard : Pékin a mis en place un bouclier permettant de surveiller et de censurer l’activité en ligne ; et ce contrôle pourrait prochainement être encore plus strict.

Tous les types de commentaires concernés

L’administration du cyberespace de la Chine (CAC), agence qui régule Internet en Empire du Milieu, a en effet annoncé une nouvelle loi exigeant que tous les commentaires rédigés sur Internet soient approuvés avant d’être publiés. Le texte est une mise à jour d’une loi de 2017, qui définissait une pratique de censure utilisée par certaines plateformes comme Weibo, l’équivalent de Twitter, pour examiner le contenu avant même sa publication.

Toutefois, elle n’était employée que pour les comptes qui ont déjà violé les règles de censure du contenu, ou lorsqu’une discussion animée sur un sujet sensible était en cours. Surtout, cette pratique limitait ces actions aux « commentaires sous les informations d’actualité », une restriction qui vient d’être retirée, rapporte le MIT Technology Review.

Ainsi, la CAC prévoit d’obliger les éditeurs, qu’il s’agisse de réseaux sociaux, de médias ou de créateurs, à recruter « une équipe de révision et d’édition adaptée à l’ampleur des services » qui sera tenue d’examiner chaque commentaire avant sa publication et, si elle détecte des « informations illégales et mauvaises », de les signaler à l’administration.

Cela concerne tous types de commentaires : messages de forum, réponses, messages laissés sur des panneaux d’affichage publics ou « bullet chats », une méthode innovante utilisée par les plateformes vidéo en Chine pour afficher des commentaires en temps réel au-dessus d’une vidéo. Tous les formats, y compris les textes, les symboles, les GIF, les images, les sons et les vidéos, sont ciblés.

Les gratte-ciel de Shanghaï.

Un confinement très strict a été appliqué à Shanghaï, entraînant de nombreux chinois à se plaindre en ligne. Photographie : Hanny Naibaho / Unsplash

Un texte parfois flou

Pour l’heure, le texte est assez flou sur la mise en pratique de la nouvelle politique. Des milliards de commentaires sont postés chaque jour sur le Web chinois. Appliquer une telle mesure mettrait une pression énorme sur les plateformes et les forcerait à augmenter drastiquement le nombre de personnes qu’elles emploient pour effectuer la censure, d’autant plus que les réseaux sociaux chinois appliquent d’ores et déjà une censure très stricte. La maison-mère de TikTok, ByteDance, emploie par exemple des milliers de réviseurs de contenu, qui constituent le plus grand nombre de travailleurs de l’entreprise.

Pour l’heure, on ignore si le gouvernement a l’intention d’appliquer cette mesure immédiatement. « Les révisions proposées consistent principalement à mettre à jour la version actuelle des règles de commentaire afin de les aligner sur le langage et les politiques d’une autorité plus récente, comme les nouvelles lois sur la protection des informations personnelles, la sécurité des données et les réglementations générales sur le contenu », explique Jeremy Daum, chercheur principal au Paul Tsai China Center de la Yale Law School.

Si les autorités chinoises assurent que ces nouvelles réglementations ont pour objectif de rendre l’internet du pays plus sûr et de mieux représenter les intérêts des citoyens, ses motivations semblent plus troubles que cela.

Les autorités chinoises mises à mal par les confinements ?

Depuis peu, plusieurs commentaires compromettants ont été postés sous les posts de comptes du gouvernement sur Weibo, signalant par exemple les mensonges du gouvernement ou rejetant le récit officiel. En effet, le confinement très strict appliqué par les autorités à Shanghaï a créé des tensions au sein du pays. Comme le rapporte The Register, la plupart des déplacements ont été limités pendant des semaines et les habitants ont reçu des colis de nourriture souvent modestes.

La durée et la sévérité des confinements ont ainsi amené de nombreux citoyens à se plaindre en ligne. Certains citoyens ont également été transférés de force dans des hôpitaux de campagne et certains animaux domestiques ont même été tués. Si Internet est très contrôlé dans le pays, il est encore possible d’échanger librement à certains endroits, cette législation viendrait mettre fin à cela.

En outre, le fait que les commentaires problématiques devront être dénoncés laisse supposer que des sanctions pourraient par la suite être mises en place contre leurs auteurs, dont les noms et prénoms devront également être signalés à l’administration. Selon Jeremy Daum, les changements les plus récents s’inscrivent « sans ambiguïté dans le cadre de l’élargissement continu de la réglementation du contenu par la Chine au-delà des médias traditionnels pour couvrir désormais le contenu des utilisateurs généré par des commentaires et d’autres fonctions interactives ».