Les droits des livreurs ne seront-ils plus bafoués ? Les eurodéputés ont voté, ce 2 février, en faveur d’un texte pour améliorer les conditions des travailleurs des plateformes comme Uber, Deliveroo ou JustEat. Les entreprises concernées devront verser un salaire et donner des avantages sociaux comme tous employés aux personnes jusqu’ici considérées comme « indépendantes ».


Cet épisode est disponible sur SpotifyApple PodcastsDeezerGoogle PodcastsAcast.

« La fête est finie pour Uber »

En séance plénière à Bruxelles, une majorité de 376 eurodéputés ont approuvé contre 212 et 15 abstentions la proposition qui sera négociée avec les Etats membres.

En décembre 2021, la Commission européenne a présenté une première version du texte. La proposition de règlement vise à fixer des règles identiques à l’échelle européenne afin de considérer les livreurs, les chauffeurs ou encore les coursiers des plateformes comme des salariés. Le texte précise qu’une présomption de salariat est obligatoire si une entreprise remplit au moins de deux des cinq critères : le fait qu’une plateforme fixe les niveaux de rémunération, supervise à distance les prestations, ne permet pas à ses employés de choisir leurs horaires ou de refuser des missions, impose le port d’uniforme, ou encore interdit de travailler pour d’autres entreprises.

Lors de leur étude du texte, les eurodéputés ont inclus une obligation de transparence sur le fonctionnement des algorithmes des applications. Les travailleurs pourront savoir comment ils sont supervisés et évalués notamment lors de la distribution des missions ou encore l’attribution de primes. Le texte va encore plus loin, en cas de litige avec une personne, c’est sur les entreprises que reposera la charge de prouver qu’elles n’emploient pas le travailleur.

Plusieurs eurodéputés ont fêté le vote de ce texte, Elisabetta Gualmini, socialistes et démocrates, qui a piloté les négociations sur la modification du texte, a salué une « victoire des droits des travailleurs exploités et vulnérables ». L’élue française Leïla Chaibi, Groupe de la Gauche au Parlement européen, s’est réjouie sur Twitter « La fête est finie pour Uber (…) Nous avons remporté cette bataille cruciale contre les lobbys des plateformes. »

Le résultat du scrutin souligne, cependant, combien il est difficile pour les États européens de se mettre d’accord sur les réglementations liées à l’emploi. Précurseurs, en 2021, l’Espagne et les Pays-bas, ont obligé les plateformes à considérer leurs travailleurs comme des employés. En septembre dernier, le gouvernement belge voulait imposer un salaire minimum pour les livreurs.

Une démarche inverse à celle de la France. Le gouvernement d’Emmanuel Macron prend le parti, depuis plusieurs années, de laisser prospérer avec peu de limitations les poids lourds comme Uber et Deliveroo mais aussi les start-up Frichti et Stuart. En juillet dernier, le président de la République française avait totalement assumé son soutien à Uber dans une réponse à une enquête, baptisée Uber Files, de plusieurs médias dont Le Monde. Ils ont mis en lumière la relation entre les institutions politiques et les multinationales ayant recours à des moyens colossaux pour modifier la loi à leurs avantages. Une commission d’enquête à ce sujet va être mise en place par la France Insoumise à l’Assemblée Nationale.

Plus de 500 entreprises et 28 millions de travailleurs sont concernés par le texte. Le Parlement, le Conseil et la Commission européenne assurent vouloir rédiger un texte final « équilibré ». Les plateformes s’opposent globalement à toute requalification importante des travailleurs. En 2021, lors de présentation du projet de directive, la fédération Delivery Platforms Europe, connue pour être l’un des principaux lobbys de ces services, redoutait une multiplication des procédures judiciaires avec « des conséquences désastreuses pour les emplois, les restaurants et l’économie ». En France, le tribunal prud’hommes de Lyon a condamné Uber a versé 17 millions d’euros à 139 chauffeurs VTC le 20 janvier. Ils avaient porté plainte pour être reconnus comme des salariés par la firme.