« Nous sommes aussi complètement dépassés » a admis Lina Khan, présidente de la Federal Trade Commission (FTC), l’autorité de la concurrence américaine, lors d’un événement organisé par le Wall Street Journal. Elle a accepté de faire un premier bilan de son action, après 18 mois, au micro de Paul Beckett, journaliste du quotidien économique.

La FTC a plus de responsabilités qu’elle doit assumer à budget constant

Lina Khan le concède sans détour, malgré les équipes « formidables » de la FTC, elles sont obligées de « faire un tri » entre les dossiers, dont l’autorité à la charge. Elle regrette « que nos ressources n’aient pas suivi la croissance de l’économie et la portée de la mission que le Congrès nous a confiée ».

Elle avait déjà informé que l’autorité ne pourrait pas traiter tous les dossiers de fusion s’accumulant au cours des deux dernières années. Si elle met en avant quelques exemples de gros dossier géré, le cas du rachat d’Arm par Nvidia, elle pointe « Nous avons 1 100 employés. Notre juridiction s’étend à l’ensemble de l’économie américaine. Ces affaires nécessitent beaucoup de ressources. »

Arrivée à la tête de la FTC en 2021, la nomination de la trentenaire par l’administration démocrate de Joe Biden a été vue comme un signal fort envoyé aux géants du numérique américain. Connue pour ses positions en faveur d’un durcissement et d’une actualisation des législations antitrust américaine, elle a tenté et obtenu du Congrès des pouvoirs élargis pour la FTC pour s’attaquer aux cas de concurrence déloyale.

Une obligation, les lois antitrust américaines, principalement le Sherman Act et le Clayton Act, date respectivement de 1890 et 1914. Elles sont aujourd’hui peu adaptées à l’économie numérique.

Elle explique que le Congrès « a reconnu qu’il y aura toutes sortes de cas dans lesquels il y aura de nouvelles pratiques commerciales, de nouvelles tendances du marché, pour lesquelles vous pourriez avoir besoin d’une autorité un peu plus flexible et capable de combler ces lacunes qui sont créées par les autres lois antitrust ».

Une nécessité, selon Lina Khan, pour le bien de l’innovation aux États-Unis, « Nous avons vu toute une série de recherches économiques montrant que lorsque vous avez vu une consolidation accrue, une concentration accrue et une diminution de la concurrence, cela peut avoir un effet négatif sur l’innovation » détaille-t-elle.

Lina Khan dans le viseur des géants du numérique

La FTC, sous sa direction, a entamé des poursuites contre Meta et une enquête sur Amazon, dont les résultats sont très attendus. Les deux entreprises ont tenté de l’éloigner de ces procédures, jouant sur ses prises de position passées. Le géant de l’e-commerce a même accusé la FTC de harceler son PDG Andy Jassy et son fondateur, Jeff Bezos. Bonne joueuse Lina Khan estime que ses démarches ne sont pas surprenantes, vu « les enjeux énormes » que représentent ces affaires, elle estime que « Dans ce type d’environnement, les entreprises vont jeter tout ce qu’elles ont contre le mur pour voir ce qui va coller ».

Aujourd’hui, Lina Khan compte sur les pouvoirs obtenus du Congrès pour poursuivre l’action historique de la FTC. Elle estime que le léger changement de rapport de force lors des élections de mi-mandat, le mois dernier, n’altérera pas sa capacité à mener à bien sa mission. Elle se réjouit, au contraire, qu’il est « extrêmement réconfortant et encourageant que nous ayons autant de soutien bipartisan et de reconnaissance de l’importance de la concurrence ».