Dans une déclaration datée du 28 juillet, Joe Biden s’est dit impatient de « signer » le projet de loi Chips and Science Act, alors tout juste adopté par la Chambre des représentants et le Sénat. Cette enveloppe de 280 milliards de dollars, dont 52,7 milliards rien que pour le secteur des semi-conducteurs, vise à améliorer la compétitivité des États-Unis face à la Chine. Une subvention dont compte bien profiter Intel, mais aussi ses concurrents asiatiques TSMC, Samsung et d’autres.

Les fabricants de semi-conducteurs attendent tous beaucoup de cette nouvelle loi

Après l’Union européenne (UE), la Chine, mais aussi le Japon ou la Corée du Sud, c’est au tour des États-Unis de voter son propre Chips Act. Alors que la pénurie de semi-conducteurs ainsi que la crise de la chaîne d’approvisionnement persistent, l’Oncle Sam souhaite inverser le déclin de sa part dans la production mondiale de puces. Elle était de 38 % en 1990, elle est aujourd’hui aux alentours de 10 %.

Le président Joe Biden a ardemment soutenu le texte et il n’était pas seul. Fin juin, Intel a manifesté son mécontentement face à la lenteur du processus législatif, allant jusqu’à remettre en cause une partie des investissements de l’entreprise sur le territoire américain. Taïwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC), Samsung, GlobalFoundries et d’autres ont également usé de pression en ce sens.

Comme l’a résumé le PDG de Micron au Financial Times, annonçant 150 milliards d’investissements d’ici 2031 pour sa propre société, « La question n'est pas de savoir si ces fabs seront construites, mais où elles seront construites ».

Le sol américain devrait bourgeonner de nouvelles fabriques dans les cinq à dix prochaines années. Intel prévoit 100 milliards de dollars d’investissement pour la construction de deux fabriques en Arizona et deux autres en Ohio. TSMC a lancé son chantier à 12 milliards de dollars en Arizona, Samsung et ses 17 milliards de billets verts ont opté pour le Texas. Tous comptent sur le soutien du Chips Act.

Selon les précisions du Wall Street Journal, la loi prévoit d’allouer 39 milliards de dollars de subvention sur cinq ans pour faire grimper la production américaine de semi-conducteurs. 11 milliards seront destinés à la recherche et développement ainsi qu’à la formation de main-d’œuvre. Un grave problème dans un pays où tout un savoir-faire industriel s’est perdu. TSMC et Intel sont déjà confrontés à cette difficulté. Le surplus est dédié aux projets du Pentagone. En sus de cette somme, 24 milliards de crédits d’impôt en tout genre serviront à réduire les coûts des nouvelles fabriques.

Qui sera le mieux servi par le Chips Act ?

Aussi imposant soit le gâteau, chacun cherche à en obtenir la plus grosse part. Le département du Commerce n’a pas explicité le processus pour obtenir un financement. Il ne s’est pas davantage répandu sur ses objectifs précis. Dans un communiqué il est simplement annoncé que « Lors de la sélection des projets, le ministère accordera la préférence aux entreprises qui s'engagent à faire des investissements futurs pour développer l'industrie nationale des semi-conducteurs (par exemple, par la recherche et le développement, la formation de la main-d'œuvre ou les investissements dans la fabrication) ».

En théorie, le Congrès a autorisé les entreprises étrangères à en profiter. Une condition pour attirer le leader du secteur, TSMC. En juin, Mark Liu, président du conseil d’administration de TSMC, a expliqué que son entreprise avait des difficultés à s’implanter aux États-Unis et qu’un tel choix représentait un surcoût pour sa production. Sans surprise, plusieurs sociétés américaines s’estiment prioritaires. Le leader local, Intel espère récupérer 12 milliards de dollars dans l’opération à lui seul d’après le Financial Times.

L'origine des bénéficiaires le département du Commerce aura aussi pour conséquence d’attirer ou non les technologies les plus avancées. TSMC et Samsung ont un coup d’avance sur Intel dans ce domaine. À l’inverse, les semi-conducteurs moins sophistiqués restent indispensables à bon nombre d’industries, seront-ils sacrifiés ?

La Chine toujours en ligne de mire

Si ces détails restent à définir, l’administration américaine a décidé d’insister sur les garde-fous mit en place lors de la distribution de l’argent fédéral. Le département du Commerce a prévenu que « Les incitations Chips ne sont pas une subvention aux entreprises pour les rendre plus rentables ou leur permettre de disposer de plus de liquidités pour racheter des actions ou gonfler leurs résultats ». Pas question que les géants du secteur s’enrichissent, tout l’argent doit aller à l’augmentation de la part américaine sur la production mondiale de semi-conducteurs.

L’autre objectif de ce projet de loi est, faut-il le rappeler, de contrer les ambitions de la Chine. L’un des points mentionnés par le département du Commerce est des plus explicite. Les entreprises bénéficiaires auront l’interdiction durant dix ans « de s'engager dans des transactions importantes en Chine ou dans d'autres pays préoccupants ». Il faut entendre par là fournir « une capacité de fabrication de semi-conducteurs de pointe ou des expansions importantes de la capacité de fabrication de semi-conducteurs existante », insiste le texte.

Les puces sont le point faible de l’économie technologique chinoise. Les États-Unis ne cessent de vouloir entraver les efforts de Pékin pour se doter des moyens de fabriquer les puces les plus technologiquement avancées. Les révélations des pressions américaines contre des entreprises comme TSMC où le constructeur d’outils pour les fabriques ASML sont régulières depuis quelques années. La Chine, de son côté, tente de réduire sa dépendance aux importations de puces avancées. La rivalité technologique entre les deux puissances bat toujours son plein.