TSMC ne profite pas exactement du rêve américain à en croire une enquête de Nikkei Asia, publiée fin mai. Le fabricant de puces taïwanais a entamé la construction d’une usine à 12 milliards de dollars au nord de la ville de Phoenix, en Arizona, aux États-Unis. À 80 kilomètres au sud se trouve depuis une quarantaine d’années le campus de son concurrent américain, Intel. Les relations de voisinage seraient compliquées, principalement à cause de la pénurie de main-d’œuvre.
TSMC face au plein-emploi en Arizona
La Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC) est le numéro 1 des semi-conducteurs, l’entreprise représente 7% du PIB total de son pays d’origine. La pénurie de semi-conducteurs et les tensions sino-américaines ont poussé TSMC à répondre à l’appel à localiser une partie de sa production chez l’Oncle Sam.
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L’entreprise a joué le jeu. Malgré des coûts de fabrication plus élevés, elle s’est rendue en 2020 sur les terres arides d’Arizona avec son plus gros investissement étranger depuis des années et la pointe de sa technologie. Problème, en Arizona on ne connaît pas TSMC, la super star taïwanaise doit redécouvrir l’anonymat.
Dans un marché de l’emploi très contracté, l’Arizona est en situation de plein-emploi avec moins 4% de chômage depuis début 2022 selon County economy, attirer les talents s’annonce très difficile. Épreuve supplémentaire, dans un pays où la production de semi-conducteur a été délocalisée depuis des décennies, le secteur est inconnu pour les jeunes ingénieurs locaux.
Kweilin Waller, directeur adjoint des services sociaux au Phoenix Business and Workforce Development Board, a confié à Nikkei « Vous dites « fabrication de semi-conducteurs » [à des recrues potentielles], les gens vous regardent comme si vous aviez deux têtes. Ce n’est tout simplement pas familier ».
TSMC fait des efforts pour recruter des techniciens qualifiés. Elle a participé à un programme local de formation express, sur deux semaines, en mars. Le déficit de notoriété n’aide pas.
L’État américain n’est certes pas dénué d’intérêt. L’Arizona State University (ASU) est la plus grande école d’ingénieur des États-Unis. Un terrain de chasse idéal pour la direction des ressources humaines de l’entreprise. Nouvelle embûche, l’un des concurrents est déjà très bien implanté sur place, Intel.
Intel aspire les talents locaux
L’ASU est le principal pourvoyeur de bras de l’entreprise américaine, installée de longue date sur le territoire. Une concurrence majeure sur un marché déjà difficile. TSMC part avec d’autres handicaps. Selon Glassdoor le salaire moyen de l’entreprise aux États-Unis est de 118 000 dollars, contre 128 000 dollars chez Intel, sans parler des grandes entreprises de la Silicon Valley où les sommes atteignent 156 000 dollars en 2021.
TSMC peut également effrayer par sa culture d’entreprise réputée extrêmement stricte. Les horaires de travail sont longs, le respect de la hiérarchie obligatoire, la discipline rigoureuse. Un employé doit être disponible à tout moment en cas de besoin, de quoi rebuter de jeunes ingénieurs croulant sous les propositions.
Un porte-parole de TSMC a assuré à Nikkei avoir « reçu de nombreux CV de diplômés en ingénierie d’universités de premier rang et nous sommes convaincus que la force et la diversité du vivier de talents en ingénierie dans les collèges et universités des États-Unis nous permettront de recruter des personnes exceptionnelles ». Selon les informations du média japonais, l’entreprise envisagerait tout de même de recruter à Taïwan pour son usine en Arizona, au moins pour les deux ou trois premières années de fonctionnement de la fabrique.
Elle doit formellement entrer en activité en 2024. Un objectif également menacé par la pénurie d’emplois. TSMC devait installer ses équipements en septembre, ce sera finalement pour le 1er trimestre 2023. Les ouvriers du bâtiment ne sont pas plus faciles à trouver que les ingénieurs, qui plus est dans une région où il fait 38°C l’été. Intel, toujours le même, construit une extension de son campus à 20 milliards de dollars ce qui entraîne également la concurrence dans le recrutement sur ce terrain.
L’implantation d’une fabrique haute technologie de TSMC aux États-Unis ressemble, pour l’instant, à un bourbier. L’Union européenne, qui cherche à attirer les usines de semi-constructeur sur son territoire, serait inspirée d’étudier la situation, pour offrir de meilleures conditions à l’éventuelle arrivée du géant taïwanais.