La vice-présidente des États-Unis, Kamela Harris, a dû intervenir pour finalement obtenir le 11 mai, du Sénat, la confirmation du démocrate Alvaro Bedoya comme cinquième commissaire de la Federal Trade Commission (FTC), l’autorité antitrust américaine. Avec cette nomination les démocrates sont de nouveau majoritaires au sein de l’agence et pourront mettre en œuvre une politique antitrust plus agressive, notamment envers les GAFAM.

Lina Khan, l’ambitieuse présidente de la FTC, bloquée par les républicains

Depuis plusieurs mois la FTC était comme paralysée, avec deux commissaires démocrates face à leurs deux homologues républicains. Ce blocage a complexifié la tâche de la présidente de l’agence Lina Khan, nommée en juin 2021 pour étendre les missions de la FTC et mener une politique antitrust volontariste contre les géants du numérique.

Sa nomination avait suscité beaucoup d’espoir parmi les opposants aux pouvoirs des grandes entreprises numériques. Durant ses études, en 2017, Lina Khan s’était illustrée avec un article sur la domination du marché d’Amazon et l’obsolescence de la législation antitrust américaine à l’ère du numérique.

En récupérant une majorité de voix à la tête de la FTC, la présidente de l’agence de 33 ans pourra mener une action contre Amazon en général, mais aussi contre la fusion achevée en mars du géant de l’eCommerce et du studio de cinéma Metro-Goldwyn-Mayer pour 8,5 milliards de dollars.

Elle pourra également agir plus librement sur le rachat de l’éditeur Activision Blizzard par Microsoft pour près de 70 milliards de dollars. Des procédures peu utilisées de l’agence pourraient être tournées contre Meta, Apple et Google, d’après le New York Times. Enfin, la FTC pourra tenter de fixer des règles en matière de protection de la vie privée contre lesquels se sont déjà dressés les deux commissaires républicains.

Alvaro Bedoya est justement un professeur de droit de l’université de Georgetown, spécialiste des dangers des nouvelles technologies pour les droits civils. Son arrivée à la FTC a été un véritable chemin de croix.

En octobre 2021 l’un de ses cinq commissaires, démocrates, a quitté ses fonctions pour prendre la tête d’une autre agence. Joe Biden avait anticipé ce départ un mois auparavant en proposant la candidature d’Alvaro Bedoya. Le sénat, composé à parts égales de républicains et de démocrates, a longtemps retardé sa confirmation entraînant cette situation de blocage.

Ce retour d’un rapport de force favorable aux démocrates effraie leurs opposants. Christine Wilson, l’une des commissaires conservatrices de la FTC a critiqué à plusieurs reprises Lina Khan au cours de ses discours. En avril, elle l’a accusé, elle et ses alliés, de vouloir mener une politique inspirée des principes du marxisme.

La veille du vote Neil Bradley, responsable politique de la chambre de commerce des États-Unis a déclaré, « Jusqu’à ce que l’on en sache plus sur les opinions d’Alvaro Bedoya sur la transparence, la procédure régulière, l’autorité statutaire et la gestion de base de la Commission, il serait irresponsable de le confirmer en tant que vote de départage de Khan ».

La politique antitrust de l’administration Biden contrariée par les midterms

Tant Alvaro Bedoya que Lina Khan sont restés discrets sur leurs projets sur la FTC. Ils se sont contentés de se dire impatients de travailler ensemble. Ils n’en manqueront probablement pas.

Lina Khan a déjà commencé à étendre les pouvoirs de la FTC et prévenu les entreprises opérant des fusions qu’elles pourront être annulées, même une fois le processus achevé. Joe Biden a signé un décret en juillet 2021 pour encourager la politique antitrust de l’agence et incité à être plus strict sur l’évaluation des rachats.

La pression sur les épaules de la FTC devrait redoubler. L’administration Biden redoute de perdre sa faible majorité au Congrès américain, à l’occasion des élections de mi-mandat, en novembre 2022. Si c’est le cas, les démocrates ne pourront plus faire passer les lois antitrust sur le numérique, qu’ils ont déjà du mal à faire avancer. La FTC et le Département de la Justice seront alors les seuls acteurs de la politique antitrust des États-Unis de Joe Biden. Une très lourde tâche…