La plateforme sociale Facebook, c’est l’entreprise sur laquelle les médias aiment bien taper (non sans raison). Nous aussi en tant qu’utilisateurs, on critique et fustige le réseau social. Et ce depuis plus de dix ans maintenant. Tout comme l’on reproche à Nutella d’utiliser de l’huile de palme dans sa recette, cela ne nous empêche pas de consommer l’un et l’autre.

Mais que reproche-t-on au réseau social ? Du côté des médias, c’est les coups de Trafalgar à répétition qui ont usé les rédactions. Lorsqu’une proie est acculée, elle devient agressive. Si la métaphore s’avère belliqueuse, elle traduit à mon sens très bien la relation entre le réseau social et la presse traditionnelle. De plus, les médias en général sont dépendants des visites provenant de Facebook. En se basant sur la solution SimilarWeb, on peut estimer que Facebook génère, au média Lemonde.fr, 5 millions de visites mensuelles, soit 6 % de son trafic global. Mais en janvier 2016, la part des réseaux sociaux dans le trafic de Lemonde.fr atteignait les 12 %, dont 3/4 (75 %) venant de Facebook. Soit une perte de 10 points en deux ans (en 2018, Facebook représente 65% du trafic réseaux sociaux) et autant de lecteurs en moins sur le site.

Il n’est donc pas étonnant de voir des titres d’actualités négatifs envers le réseau social. La plateforme mérite d’être critiquée à juste titre. L’illustration parfaite est l’affaire Cambridge Analytica qui fera date dans l’histoire de Facebook. Plus récent : les documents confidentiels sur la politique de gestion des données par le réseau social. Il s’ensuivit une vague de protestation de la part des utilisateurs (essentiellement en Amérique du Nord) qui s’est traduite par l’autosuppression de profils et le délaissement pur et simple de la plateforme…

Le réseau social est critiqué par les médias, pointé du doigt par les administrations publiques et délaissé par des milliers d’utilisateurs. Ainsi sonne le glas de Facebook ?

Quel est l’état des lieux de Facebook aujourd’hui ?

Un des premiers éléments pour évoquer le déclin de la plateforme sociale est la lassitude de ses utilisateurs. Notamment celle des plus jeunes : les 18-24 ans. Comment se traduit-elle ? Avec le temps passé sur l’application. Et ce dernier stagne depuis 2016 en Amérique du Nord, voir s’érode. L’Europe commence tout juste à voir ce phénomène auprès de l’ensemble des utilisateurs.

En se basant sur les ressources de Facebook, on remarque qu’un utilisateur mensuel passe en moyenne 27 minutes par jour sur l’application quand l’utilisateur quotidien consacre 41 minutes à Facebook. Quasiment du simple au double, ce qui a son importance. C’est pourquoi j’évoque « utilisateur mensuel » et « utilisateur quotidien ». Trop souvent dans ce qu’on lit, on mélange les deux indicateurs. C’est pourquoi les études sur le temps passé vont du simple au double… Pour Facebook, il y a deux catégories d’utilisateurs : ceux qui se connectent au moins une fois par mois au réseau social et ceux qui le font quotidiennement. Ces données vont nous permettre de savoir si la plateforme sociale subit, en plus de l’érosion du temps passé, une baisse de ses utilisateurs. Sur ce point, Facebook se porte très bien. Depuis un an, Facebook a vu une augmentation de 316 millions d’utilisateurs quotidiens. C’est quasiment le nombre d’habitants aux États-Unis. Pour les personnes actives mensuellement, c’est une augmentation de 483 millions d’utilisateurs de 2017 à 2018.

Alors est-ce que les Occidentaux passent moins de temps sur l’application ? Oui. Est-ce que Facebook est pour autant moins attrayant ? Pas du tout. En Europe et en Amérique du Nord, Facebook atteint sa maturité, mais nous oublions trop souvent l’autre côté du monde : le Moyen-Orient, l’Asie et l’Afrique.

Enfin, nous devons évoquer la santé financière de Facebook. Les résultats cumulés des trois premiers trimestres 2018 indiquent un chiffre d’affaires de quasiment 39 milliards de dollars pour un revenu net de 15 milliards de dollars. Soit respectivement +44 % et +36 % par rapport à 2017 (sur la même période). Facebook se porte financièrement très bien. Les actionnaires font confiance à la société avec un investissement en capital multiplié par trois sur cette même période. L’affaire Cambridge Analytica a secoué les relations presse de la plateforme sociale, mais pas l’intérêt de ses utilisateurs ni de son porte-feuille.

Facebook n’est pas un réseau social, mais une société technologique

D’un point de vue utilisateur, Facebook est une entreprise éditant un réseau social du même nom. Le constat est vrai, mais est limité. Les community managers sauront aller plus loin en citant plusieurs de ses filiales. Instagram en premier lieu, mais également WhatsApp (sur laquelle nous reviendrons plus tard). Alors, comment affirmer que la firme se veut être une société technologique. Premièrement dans les prises de parole de son cofondateur et PDG, Mark Zuckerberg. Lors d’une conférence annuelle de Facebook (F8), ce dernier avait présenté la feuille de route de l’entreprise à 10 ans :

roadmap stratégique de Facebook Inc.

Feuille de route sur 10 ans de Facebook (source : Facebook Inc.).

Derrière ce schéma il faut retenir ces informations : Premièrement que le réseau social du même nom est le pilier de la société. Rien d’étonnant vu que c’est le vivier de l’entreprise elle-même. Deuxièmement que les applications « sœurs » issues d’acquisitions ou de développement interne viennent consolider le pilier. Et par la même occasion les revenus publicitaires. WhatsApp, Messenger et Instagram sont aujourd’hui les plus grosses applications de messagerie et de réseau social au monde (Chine confondue). Enfin, Facebook développe actuellement et projette de se renforcer sur trois autres marchés que sont : la connectivité, l’intelligence artificielle et la réalité virtuelle et augmentée.

C’est donc au total 5 marchés complémentaires sur lesquels Facebook est présent. Les réseaux sociaux (Facebook et Instagram), la messagerie (WhatsApp et Messenger), et les trois autres précédemment cités. Pour les plus sceptiques à cette information voici des illustrations de la présence de Facebook sur cesdits marchés :
– La connectivité : Facebook développe en partenariat avec Microsoft la construction de câbles sous-marins. Ces mêmes qui acheminent Internet en Europe.
– L’intelligence artificielle : à travers les milliards de photographies présentes sur Facebook, la société élabore et entretient des algorithmes pour la reconnaissance d’images statiques et leur classification. Cette application de l’IA représente le premier marché (8 milliards de dollars d’ici 2025).
– La réalité virtuelle et augmentée : l’acquisition de la société Oculus en mars 2014. En janvier 2017, Mark Zuckerberg annonçait vouloir investir 3 milliards de dollars dans la R&D du marché de la VR/AR.

Pour terminer avec les arguments sur lesquels Facebook n’est pas en déclin et faire le lien avec le fait que la société est une entreprise technologique, il faut se placer du côté des ressources humaines. Pour cela je me suis basé sur les données de LinkedIn (accessibles en premium) et sur le site institutionnel de Facebook. En 2018, c’est 38 000 salariés dans le monde. Parmi ces derniers, les métiers de l’ingénierie et des technologies de l’information (la fonction IT en anglais) représentent 39 % de la masse salariale :

répartition des employés de Facebook selon la fonction

Répartition des employés de Facebook Inc. (source : LinkedIn).

Enfin, il faut rappeler que l’entreprise a comme pilier central les algorithme(s) faisant fonctionner l’ensemble de ses filiales (Facebook, Instagram…) et métiers d’avenir (intelligence artificielle, réalité virtuelle). Le cœur de l’idée est donc un ensemble de règles opératoires destiné à résoudre un ou des problèmes.

Que faut-il retenir principalement parmi ces informations ? Il faut aller au-delà des titres que l’on peut lire dans les médias en général. Le réseau social subit trois crises : une crise politique (aux États-Unis essentiellement), une crise de confiance provenant de certains utilisateurs occidentaux, et une crise médiatique qui englobe les deux précédentes. Mais Facebook Inc. est bien plus qu’un fil d’actualité, c’est ce pour quoi il est le « F » des GAFAs et qu’un Twitter ou un Snapchat ne le sont pas.

Si vous êtes intéressés par le sujet des GAFAs et/ou les podcasts, je vous invite à retrouver notre premier épisode : Futurs au pluriel : quels avenirs aux GAFAs ?