La Chambre des représentants a décidé jeudi 18 avril qu’elle voterait au cours du week-end un paquet législatif pour le moins hétéroclite. Entre des sanctions contre la Russie et l’Iran et un texte sur les transferts de données se retrouvent une version remaniée de la loi forçant la vente de TikTok sous peine d’interdiction. Une stratégie qui pourrait bien faire sauter le verrou du Sénat.

TikTok et l’Ukraine dans une même loi, au nom de la sécurité nationale

Il y a un mois, TikTok et sa maison mère ByteDance ont dû faire face à une offensive législative inédite. La Chambre des représentants votait à une large majorité un texte pouvant aboutir à la vente ou l’interdiction de l’application aux États-Unis. Un soutien bipartisan, la promesse du président Joe Biden de ratifier une loi en ce sens, la partie semblait jouée.

C’était sans compter sur le Sénat. Au-delà du lobbying intense du PDG de TikTok, Shou Chew, les sénateurs affichaient une certaine réticence. L’adoption d’une loi au Congrès américain est extrêmement complexe, un parcours semé d’embûche pouvant traîner longtemps, voire faire oublier complètement un texte.

Pour contourner la difficulté, le « speaker », le président de la Chambre des représentants, le républicain Mike Johnson a utilisé deux astuces. La première est la plus spectaculaire. La proposition de loi sur TikTok est adossée à une autre mesure qui peine au Congrès : un plan de soutien financier à l’Ukraine. Le paquet législatif contient également de l’aide humanitaire ou financière à Israël ou Taïwan, des sanctions déjà citées, etc.

Les républicains sont divisés sur l’envoi d’aides supplémentaire à l’Ukraine, en difficulté pour repousser la Russie. Cela bloque le vote d’une telle assistance depuis plusieurs mois. Le Sénat a déjà validé une aide de 60 milliards de dollars pour l’Ukraine et devrait suivre la Chambre pour résoudre la situation. Et donc potentiellement, suivre sur TikTok.

La cohérence de l’ensemble serait celle de la sécurité nationale des États-Unis. L’administration américaine accuse depuis des années TikTok d’être une menace. Le réseau social est propriété d’une entreprise chinoise, ByteDance et dispose de données sur ses 170 millions d’utilisateurs américains. Malgré les affirmations selon lesquelles elles sont protégées de Pékin, localisées aux États-Unis, TikTok ne convint pas les autorités. Des enquêtes dans la presse viennent aussi régulièrement battre en brèche ce discours.

Adoption et ratification pourraient aller vite, mais viendra le temps des tribunaux

La deuxième tactique est plus classique dans un processus législatif. La copie a été revue, suivant les recommandations des élus qui comptent. Le délai de ByteDance pour vendre la branche américaine de sa pépite est passé de 6 mois à 1 an, avec la possibilité pour le président de prolonger de 90 jours ce délai.

L’influente sénatrice démocrate Maria Cantwell, présidente de la commission du commerce, a déclaré être « très heureuse que le président Johnson et les leaders parlementaires aient intégré ma recommandation ». « Je soutiens cette législation actualisée ».

Naturellement, l’atmosphère était très différente du côté de TikTok. « Il est regrettable que la Chambre des représentants utilise le couvert d’une aide étrangère et humanitaire importante pour faire adopter une fois de plus une proposition de loi d’interdiction qui bafouerait les droits à la liberté d’expression de 170 millions d’Américains, dévasterait 7 millions d’entreprises et fermerait une plateforme qui contribue 24 milliards de dollars par an pour l’économie américaine ».

La pirouette utilisée pourrait aboutir à une adoption de la Chambre dès samedi, puis une celle rapide du Sénat. Le président Joe Biden a répété mercredi qu’il est prêt à ratifier un tel texte si le Congrès se met d’accord. La guerre ne sera pas terminée pour autant. Un nouveau front s’ouvrira sans doute devant les tribunaux. La mention de la liberté d’expression par TikTok n’est pas anodine, l’application plaidera sûrement que le texte bafoue la constitution des États-Unis.