Malgré le Projet Texas, l’équivalent du Projet Clover en Europe, TikTok continuerait de partager certaines données de ses utilisateurs américains avec sa maison mère basée à Pékin, ByteDance. Cette affirmation vient d’une enquête réalisée par Fortune. Le deuxième magazine le plus ancien d’Amérique du Nord consacré à l’économie a interrogé, entre août et avril, onze anciens employés du réseau social.

L’un d’eux, Evan Turner a travaillé comme data scientist pour TikTok entre avril et septembre 2022. En entrant dans la société, il était directement en lien avec un cadre de ByteDance. Lorsqu’en juin le réseau social a annoncé stocker les données des utilisateurs américains aux États-Unis, il a été réaffecté à une hiérarchie basée à Seattle. Du moins sur papier.

Evan Turner indique qu’un responsable des ressources humaines lui a appris en visio conférence qu’il continuerait toujours de travailler avec la maison mère. Il affirme n’avoir jamais rencontré son responsable de Seattle et avoir continué les entretiens hebdomadaires avec le cadre de ByteDance. Tous les quatorze jours, il envoyait ainsi des feuilles de calcul contenant des données sur des centaines de milliers d’utilisateurs américains, notamment leur nom, adresse IP et position géographique.

Patrick Spaulding Ryan, qui a été directeur du programme technique pour l’ingénierie de la sécurité jusqu’en 2022, et un autre employé ayant demandé l’anonymat pointent la messagerie interne de l’entreprise, Lark. L’application d’authentification et VPN Seal a également été citée comme moyen pour l’entreprise de collecter des données. Les employés doivent l’installer sur leur téléphone qui est souvent leur appareil personnel.

Les logiciels internes de TikTok pointés

Les données de Seal Lars sont accessibles à ByteDance. « Je ne me suis pas senti mal à l’aise à l’idée que des travailleurs chinois y aient accès… c’est comme avec n’importe quelle multinationale », nuance Jacob Wallach, qui a travaillé dans le service commercial de TikTok de juin 2020 à août 2022.

Un ancien responsable de TikTok, employé de 2020 jusqu’à récemment, est également plus positif. Pour lui, le Projet Texas a porté ses fruits et a permis une « différence significative » dans la sécurité des données. « Lorsque j’ai rejoint l’entreprise, la frontière entre TikTok et la maison mère était moins nette », évalue-t-il.

Jacob Wallach, ancien directeur des ventes, tempère également les accusations à l’égard de TikTok et soulignant des pratiques préoccupantes en matière de protection des données chez les acteurs américains. « TikTok a dû redoubler d’efforts par rapport à ce que Meta ou Google ont dû faire, uniquement parce qu’ils appartiennent à une société chinoise. »

TikTok dément les accusations de ses employés

Par ailleurs, une autre salariée, Nnete Matima a quitté son poste de développement commercial après un an d’activité, en août 2023. Elle estime que le motif avancé par l’entreprise, soit des problèmes de performance, cache la véritable raison. C’est-à-dire avoir dénoncé les traitements racistes qu’elle subissait. Elle a déposé une plainte auprès de la Commission pour l’égalité des chances en matière d’emploi.

« Il s’agit d’affirmations totalement infondées émanant d’anciens employés mécontents. Il est incroyable que Fortune s’en remette uniquement à des personnes dont les motivations et les objectifs de répandre des mensonges et des distorsions anonymes sont clairs », a déclaré un porte-parole de TikTok.

Fortune précise qu’un ancien salarié indique avoir été contacté par TikTok pour nier tout lien avec la Chine en cas d’interview. La publication de l’enquête intervient alors qu’une loi américaine pourrait contraindre ByteDance à vendre TikTok à une entreprise non chinoise pour la poursuite de ses activités aux États-Unis a été votée par la chambre des représentants et reste en attente de l’approbation du Sénat.