Dans un monde médical aujourd’hui largement numérisé, le papier fait de la résistance. Les questionnaires papiers sont toujours un élément essentiel pour les soins. C’est pourquoi la start-up Skezi a créé un logiciel baptisé Skezia. Il permet de créer des sondages numériques promettant de sécuriser, classer les données et de suivre le diagnostic des individus sur le long terme.

Une genèse particulière

En 2019, l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris (APHP) a remarqué que ses médecins disposaient de nombreux outils pour collecter et classer les réponses des patients. Problème, ils devaient être remplis manuellement avec une interface ancienne et complexe à utiliser. L’établissement public s’est associé à l’université Paris Cité pour créer un logiciel de questionnaire avec un design plus adapté. En décembre 2020, le professeur d’épidémiologie Philippe Ravaud et le docteur en médecine générale et épidémiologiste Viet-Thi Tran finalisent la technologie et fondent Skezi. L’entreprise a pour objectif de devenir le spécialiste du suivi des individus sur le long terme.

« Skezia est comme Google Forms [populaire logiciel de questionnaire en ligne] mais en mieux » promet Jean-Philippe Bertocchio, néphrologue à la Pitié-Salpétrière et PDG de Skezi, à Siècle Digital. Contrairement à son concurrent qui propose des questionnaires uniques, la start-up mise sur la collaboration des sondages, « si un patient a répondu à une enquête il y a trois mois, lors de sa nouvelle visite les questions seront adaptées. (…) Les réponses de l’ensemble des individus permettent de créer une communauté pour savoir comment l’ensemble des personnes se sentent après un rendez-vous. »

Le logiciel Skezia de Skezi sur l'écran de connexion sur un téléphone et un visuel du tableau de bord pour les professionnels.

Le logiciel Skezia de Skezi sur l’écran de connexion sur un téléphone et un visuel du tableau de bord pour les professionnels. Image : Skezi.

Au-delà de l’utilisation de questionnaires, Skezi est utilisé pour compléter les informations récoltées par le Système National des Données de Santé (SNDS). Cette grande base de données médicale française, presque unique dans le monde, regroupe des données provenant du Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information (PMSI), le suivi d’un patient à l’hôpital ; de la Consommation de Soins et de Biens Médicaux (CSBM), le système de remboursement de médicaments ; et la Certification électronique des Décès (CépiDc). Skezia vient ajouter les chaînons manquants entre chaque base de données pour renforcer la détection de profils à risque.

Skezi a récolté plus de 1,5 million de données de suivi

La technologie de Skezi est exploitée par plus de 350 chercheurs et a permis de récolter 1,5 million de données de suivi sur 80 000 patients jusqu’à aujourd’hui. En partenariat avec OVHCloud, l’entreprise de santé assure que les données sont protégées et sécurisées par un protocole reconnu par le gouvernement. Il permet de démontrer l’engagement en matière de protection des données de santé à caractère personnel. « Skezia remplit la grille évolutive du RGPD et la sécurisation au maximum des données » affirme le dirigeant.

Aujourd’hui, le modèle économique de l’entreprise est assez simple et similaire à celui des géants des questionnaires en ligne. « Une part minime de nos revenus provient des abonnements qui commencent à 7,90 € par mois, » révèle Jean-Philippe Bertocchio. La majeure partie du chiffre d’affaires de l’entreprise est essentiellement créée par les conseils, les accompagnements à l’utilisation des technologies de l’entreprise.

« Nous aidons notamment des clients qui sont des services publics comme des centres de recherche, des hôpitaux, des start-up ou encore des industriels spécialisés dans le médical, » narre le médecin. Récemment, l’entreprise a créé une cohorte médicale (un groupe de personnes suivi dans le temps) pour le French Gut. Ce projet de recherche consiste à interroger des personnes en bonne santé, sans pathologie, et d’analyser un échantillon de leurs excréments. Après plusieurs années, Skezia aide à détecter si des maladies ont été développées et comment le corps réagit en fonction des modes de vie.

Skezi vise l’Afrique et le Maghreb

Aujourd’hui, Skezi se présente en confiance sur le marché des données de santé. En France, il est évalué à plusieurs centaines de millions d’euros. « Cette taille de marché est rapidement extensible puisque nous pourrions toucher davantage de corps de métiers, » s’enthousiasme le PDG de Skezi. Selon lui, les gérants des grands supermarchés pourraient utiliser sa technologie pour connaître les troubles médicaux, les émotions ou les contraintes de leurs consommateurs. En fonction des résultats, ils seraient ainsi suffisamment informés pour adapter leur magasin en fonction de leurs besoins.

Élue start-up santé de l’année en mai dernier par OVH, Skezi veut s’implanter hors de l’hexagone dans les prochaines années. « Nous devons devenir le spécialiste du suivi des individus sur le long terme en Europe et dans la francophonie, » affirme le PDG. Pour ce qui est du marché Outre-Atlantique, l’entreprise est réticente à s’y installer en raison de la forte concurrence des géants du web qui lorgnent et proposent des dispositifs similaires sur les données des hôpitaux privées. En revanche, « l’Afrique et le Maghreb sont très demandeurs de nos technologies. »