Aux États-Unis, un projet de loi bipartisan visant à interdire TikTok et salué par la Maison Blanche fait l’objet d’une vaste campagne de lobbying par les big tech. Elles craignent d’être également visées par le texte, qui n’explicite pas quelle entreprise il cible.

La Maison Blanche soutient la loi

Bien que TikTok revendique 150 millions d’utilisateurs aux États-Unis, son avenir dans le pays est plus que jamais incertain, dans un contexte de tensions qui s’intensifient entre les deux premières puissances économiques mondiales. Les autorités redoutent le lien de sa maison mère, ByteDance, avec le gouvernement chinois, et craignent que l’application soit utilisée par ce dernier pour mener de vastes campagnes d’espionnage.

Le mois dernier, l’audience du PDG de TikTok Shou Zi Chew devant le Congrès américain n’a pas arrangé la situation de l’entreprise chinoise, de nombreux législateurs appelant à son interdiction. Plusieurs projets de loi ont été proposées dans ce sens, mais l’un d’entre eux, présenté devant le Sénat le 7 mars dernier, a retenu l’attention de la Maison Blanche qui a exhorté le Congrès à l’adopter « rapidement ».

Le texte, baptisé Restrict Act, permettrait au département du Commerce d’évaluer les risques pour la sécurité nationale et à interdire potentiellement toute technologie détenue ou exploitée par une nation adverse telle que la Chine ou la Russie. Mené par les sénateurs démocrates Mark Warner et John Thune, le projet de loi est considéré comme prometteur car il ne cible pas spécifiquement TikTok. Ses auteurs le décrivent comme ​​une « approche basée sur des règles » qui mettrait en place un nouveau système pour faire face aux menaces non seulement de TikTok, mais aussi des technologies futures.

Les entreprises américaines craignent des abus de pouvoir

Bien que cette approche ait permis au projet de loi d’obtenir un soutien bipartisan au sein du Sénat, certaines entreprises ont mis en garde contre le fait qu’il donnerait au gouvernement de nouveaux pouvoirs réglementaires considérables, rapporte Bloomberg. L’Information Technology Industry Council, qui représente des entreprises telles que Microsoft et Apple, s’est joint à d’autres groupes pour faire pression sur les législateurs afin de limiter les capacités de la législation.

De nombreuses entreprises, particulièrement celles qui se spécialisent dans le développement de matériel ou de logiciels, craignent d’être piégées par le Restrict Act. Près de la moitié des composants clés des serveurs, des systèmes de stockage et des équipements de réseau proviennent de Chine. Si de plus en plus de fabricants électroniques américains tentent de délocaliser leur production de l’Empire du Milieu vers d’autres pays, le rôle que joue encore la Chine dans leur chaîne d’approvisionnement est considérable et crucial.

Ces entreprises redoutent que le texte n’expose leurs entreprises à des contrôles de sécurité nationale portant sur une pièce de matériel ou une simple ligne de code. L’Electronic Frontier Foundation, une ONG de défense des libertés numériques, redoute que cette mesure « ouvre la porte à des interdictions gouvernementales de grande ampleur sur le matériel ou les logiciels en provenance de pays étrangers, sans explications nécessaires et avec peu de transparence ».

D’autres approches évoquées

Certains membres de la Chambre des représentants s’opposent également au Restrict Act. Une coalition est même née entre les démocrates progressistes et les républicains libertariens qui ont déjà travaillé ensemble pour s’opposer à la surveillance gouvernementale. Certains législateurs des deux partis proposent une autre approche pour répondre au défi posé par TikTok. Celle-ci consisterait à adopter une loi globale sur la protection de la vie privée, permettant de freiner la collecte de données par toutes les plateformes en ligne, y compris Facebook ou Google.

Rachel Cohen, porte-parole du sénateur Warner, assure que la législation comprend des catégories spécifiques de risques pour la sécurité nationale entraînant un examen, ce qui empêcherait son utilisation abusive.

Ces nombreuses discussions mettent en évidence les difficultés politiques auxquelles se heurte toute mesure devant être adoptée par un Sénat et une Chambre des représentants dirigés par des partis différents. En parallèle, elles octroient un sursis à TikTok qui, sans grande surprise, conteste vivement le projet de loi.