« Notre journalisme est impartial et indépendant. Prétendre le contraire est faux. C’est pourquoi nous suspendons nos activités sur Twitter » tel est le message publié par la CBC (Canadian Broadcoasting Corp.) lundi 17 avril en réponse au nouveau label « média financé par le gouvernement » attribué au groupe audiovisuel public canadien par Twitter.

Le bras de fer entre Elon Musk et les médias

Après avoir retiré, depuis le 20 avril, le célèbre macaron bleu « compte certifié » à ceux qui ne paient pas la version premium de sa plateforme, l’homme d’affaires a récemment pris la liberté d’apposer divers « labels d’indépendance » sur les comptes Twitter de médias. La semaine dernière, la NPR (National Public Radio) fut le premier grand média public à quitter Twitter, suivi de près par le réseau de télévision public américain PBS et depuis lundi par la CBC. Pour cause, un étiquetage considéré comme « faux et trompeur » selon ces médias.

À travers cette décision, Elon Musk prétend revendiquer une transparence totale des médias sur leur méthode de financement envers le grand public. Une vision aux relents libertariens, largement contestée par les médias publics des pays démocratiques.

Selon lui, un média financé par le gouvernement ou par l’État entraînerait, à divers degrés, des conséquences sur leur contenu éditorial qu’il explicite jusque dans les consignes d’utilisation du réseau social.

La vision libertarienne très assumée publiquement par le milliardaire américain est largement démentie par les pays démocratiques qui refusent d’être amalgamés, dès lors qu’ils ont mis en place des mécanismes assurant l’indépendance et donc la totale transparence de leurs médias.

Dernier média en date victime du milliardaire, CBC, société d’État, a tweeté dès le lendemain, démentant l’entièreté de son financement par le gouvernement en certifiant que 30 % de ses revenus proviennent de la publicité. Elon Musk s’est joué de la situation et a corrigé la mention une première fois par « média financé à 70 % par le gouvernement » puis, en réponse à un utilisateur, la modifie par « 69 % », leur laissant le « bénéfice du doute ».

Léon Mar, porte-parole du média, a déclaré dans un communiqué « Twitter peut-être un outil puissant pour nos journalistes pour communiquer avec les Canadiens, mais cela mine l’exactitude et le professionnalisme de leur travail pour permettre que notre indépendance soit faussement décrite de cette façon ». Il affirme par la suite que Twitter n’avait pas consulté CBC avant d’appliquer la mention.

Une décision influencée par le parti conservateur canadien

CBC mentionne que le chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre, avait récemment et publiquement demandé à Elon Musk d’ajouter une étiquette « financée par le gouvernement » aux différents comptes de la CBC. Il invoquait « un droit de protection des canadiens envers la désinformation et la manipulation par les médias publics ». Le politicien n’aura pas mis longtemps à obtenir ce qu’il souhaitait.

Une démarche que le premier ministre canadien Justin Trudeau a jugée « décevante » de la part du Parti conservateur. En effet, celui-ci n’a pas tardé à prendre la parole pour défendre le média lors d’un point presse. « Pour moi, ça souligne un désalignement de valeurs et un manque de compréhension d’à quel point les Canadiens sont fiers de nos institutions, et n’aiment pas qu’on aille demander à des milliardaires de les aider à s’attaquer à nos institutions », affirme-t-il.

En France, les médias du service public, France Télévision, Radio France et France Médias Monde ont eux aussi reçu leur étiquetage « média à financement public » depuis lundi 17 avril. Comme le compte Radio-Canada, branche francophone de CBC, certaines chaînes et radios des groupes français n’ont étonnamment pas subi le même traitement.

Pour l’heure cette décision n’a pas encore suscité la réaction officielle des médias français concernés.