L’hebdomadaire Le Point a annoncé le 19 décembre 2022 qu’il allait déposer un recours contre la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) auprès du Conseil d’État. Le média a décidé de solliciter l’institution française, car elle juge que la CNIL n’a pas à lui interdire l’accès aux données de santé dans le cadre de son classement annuel sur la qualité de service des hôpitaux de France.

La CNIL interdit à Le Point d’avoir accès à la base de données PSMI

Chaque année, Le Point présente son palmarès des hôpitaux français. Les « meilleurs » établissements de santé sont présentés au plus haut de la liste et le magazine prend le temps de faire une synthèse sur l’état actuel des services de santé en France. Pour proposer une telle analyse, le média s’appuyait, entre autres, sur la base de données sur l’activité des établissements de santé (base PMSI) à laquelle elle avait accès.

Néanmoins, le 10 novembre 2022, la CNIL a décidé de mettre son véto. Après que Le Point, via sa maison mère SEBDO, lui ait demandé d’avoir accès à la base PSMI, l’autorité a annoncé dans un communiqué qu’il rejetait sa demande. La commission estime « qu’il était nécessaire que le Point précise et améliore la méthodologie de son classement ». Depuis le 26 janvier 2016 et la promulgation de la loi de modernisation du système de santé, la CNIL peut faire appel à un comité consultatif lui donnant un avis sur toute demande d’accès aux données de santé.

De plus, avec l’arrivée en 2019 de la loi OTSS renforçant la protection des données de santé, le Comité éthique et scientifique pour les recherches, les études et les évaluations dans le domaine de la santé (CESREES) a vu son rôle être renforcé. Il a la lourde tâche de juger de « la qualité scientifique et méthodologique de projets d’études nécessitant le recours à des données personnelles de santé ainsi que leur intérêt public ».

Le Point ne comprend pas et déposera un recours devant le Conseil d’État

Jusqu’à aujourd’hui, le magazine analysait les réponses aux questionnaires adressés aux établissements de santé ainsi que sur le PSMI. Si les données sont bien anonymisées, elles contiennent des informations administratives et médicales propres à chaque individu. De ce fait, une personne avisée peut très bien retrouver l’identité d’une personne ayant été hospitalisée dans un établissement de santé bien précis en se basant sur ces données. Le CESREES a donc précisé à la CNIL qu’il était pertinent que Le Point puisse expliciter la méthodologie qu’il utilise pour établir son classement.

C’est en suivant l’avis du comité consultatif que l’autorité française a décidé de refuser l’accès au PMSI au magazine. Toutefois, il a toujours la possibilité de s’appuyer sur d’autres sources : entretiens, données publiques, questionnaires, etc. pour mettre au point son palmarès des hôpitaux.

Pour directeur de l’hebdomadaire, Étienne Gernelle, la justification proposée par la commission n’est pas claire. Il assure à l’Informé que « la CNIL avait le choix : ou bien être fidèle à sa propre jurisprudence et reconnaître l’intérêt public, comme elle l’avait déjà fait dans le passé, quitte à se fâcher avec les anti-évaluations du CESREES, ou bien pratiquer une censure. Elle a préféré pratiquer cette censure. Elle doit l’assumer ». C’est dans ce contexte que Le Point a décidé de déposer un recours devant le Conseil d’État dans le but que la décision finale change.

L’avocat du journal, Renaud Le Guhenec, s’est également exprimé. Il affirme que « le palmarès des hôpitaux relève fondamentalement de la liberté d’information sur l’activité de soin. Le fait que cela ne soit pas ressenti comme une évidence aveuglante par la CNIL est quand même un peu inquiétant ».