Ce mercredi 7 décembre, le Health Data Hub (HDH) a organisé la quatrième édition du colloque « données de santé et intelligence collective » en partenariat avec la Direction des recherches, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees). L’occasion de faire le bilan sur les trois années d’existence de la plateforme, mais également de dresser sa feuille de route pour les années à venir.

Les données au cœur de la gestion de la crise de Covid-19

Le Health Data Hub, ou Plateforme des données de santé, a vu le jour en 2019 avec l’objectif de faciliter le partage des données de santé issues de sources très variées afin de favoriser la recherche. On estime en effet que l’accès aux données de santé engendre 7 milliards d’euros de gain chaque année, d’où l’importance de la mise en place d’une politique bien établie, simplifiée et commune pour pouvoir les récupérer et les exploiter.

La pandémie de Covid-19 a d’ailleurs mis en évidence l’importance d’un tel dispositif, les données ont été au cœur de la gestion de la crise. Elles ont notamment permis de cibler les populations à risque selon le facteur social, par exemple en recroisant les données sur les hospitalisations et les informations fiscales. Elles ont aussi joué un rôle essentiel dans la mise en place d’une stratégie vaccinale, ainsi que pour démontrer l’impact favorable du vaccin sur la population. Le HDH accompagne aujourd’hui 73 projets différents, dont 13 sont directement liés au Covid-19.

À titre d’exemple, la plateforme a présenté le projet Deep.Piste, qui vise à améliorer la détection du cancer du sein. Il consiste à croiser les données de mammographies et celles de l’assurance maladie pour affiner la compréhension des facteurs à risque dans cette pathologie. Grâce à l’intelligence artificielle, les mammographies pourront être analysées de manière automatique et des parcours de dépistage spécifiques seront mis en place selon le degré de risque présent chez une femme.

Une carte montrant les taux d'infection au Covid-19 en Europe.

Photographie : Clay Banks / Unsplash.

Le rôle essentiel des données de santé dans la médecine préventive

Aujourd’hui en France, 10 millions de patients souffrent de maladies chroniques, le taux de tabagisme est de 30 %, tandis que le taux de dépistage du cancer colorectal est à 35 %. Un patient sur deux ne reçoit pas le traitement adapté après un infarctus, et les données sur les infections des enfants manquent terriblement, de même pour celles issues de la médecine de ville pratiquée par les médecins généralistes.

Pour ces différentes raisons, un important pan du développement des données de santé en France sera axé sur la prévention dans les années à venir. En effet, les données sont essentielles à la prévention dans le secteur de la santé. Elles sont cruciales pour mettre en pratique une médecine préventive et personnalisée selon les patients, en permettant par exemple d’identifier les populations à risque et de mettre en place des traitements adaptés pour chacun. Les données permettent également d’établir un état des lieux pour organiser une politique de prévention selon les personnes ciblées.

Des dispositifs numériques commencent déjà à pallier les différents besoins pour développer l’e-santé, à l’instar du lancement de Mon espace santé, ou encore du carnet de santé numérique qui permet entre autres de numériser et utiliser les données de santé, ainsi que de mettre en place des politiques de santé publique ciblées. Par ailleurs, un plan d’investissement massif a été lancé pour mettre à jour les logiciels utilisés par les professionnels, et l’exploitation des données de santé a permis d’améliorer la médecine préventive en identifiant des âges clés pour la santé de tout un chacun. Croisées à des données environnementales et sociétales, ces données ont une valeur encore plus exacte et parlante.

Si l’on peut récolter les données directement via les professionnels de santé, des technologies récentes révolutionnent le secteur. Comme l’explique le président et fondateur de Withings, Éric Carreel, la prévention passe par le changement des habitudes des patients. Pour obtenir des données précises sur la longue durée sur ces dernières, les objets connectés sont incroyablement efficaces et permettent de récolter des données sans effort. Certaines personnes rechignent à se déplacer pour aller voir un praticien, mais moins à porter une montre connectée ou se peser. Grâce à son pèse-personne intelligent, Withings affirme être en mesure de prévenir la rechute de maladies cardiovasculaires.

Le potentiel des objets connectés dans la santé est immense. Ils permettent de modéliser des parcours et de construire des modèles prédictifs grâce aux données qu’ils recueillent dans la vie réelle et sur de longues périodes. La technologie et l’innovation sont, de ce fait, des enjeux de santé publique.

Les axes sur lesquels le Health Data Hub veut progresser

Si beaucoup a été accompli durant ces trois dernières années, il reste encore des axes sur lesquels la France doit s’améliorer dans le secteur des données de santé et dans lequel, d’ailleurs, aucune licorne française n’évolue. En effet, des pays comme la Corée du Sud ou Israël sont à la pointe dans le domaine de la numérisation de la santé ; l’Hexagone est lui aussi bien avancé, mais il existe « une marche à franchir qu’il ne faut pas rater », explique Stéphanie Combes, directrice du Health Data Hub. À cause de ce léger retard, les industriels vont parfois chercher les données à l’étranger, comme aux États-Unis, au Canada, voire en Chine.

« Le XXIe siècle est celui de la data », déclare le ministre de la Santé et de la Prévention lors du colloque, François Braun, il est donc nécessaire de « bâtir des infrastructures robustes pour le supporter », continue-t-il. Selon lui, « la France doit prendre son destin en main ». Il rappelle néanmoins que notre pays est « l’un des plus développés dans l’utilisation des données de santé ».

Dans cette optique, le HDH a identifié quatre grands axes sur lesquels il doit poursuivre son développement sur les prochaines années. La plateforme souhaite réduire les délais d’accès aux données de santé, mettre à disposition la base de données de manière plus large, renforcer les liens avec tous les différents acteurs de l’écosystème, et collaborer davantage avec la société civile afin d’instaurer « une culture de la donnée de santé ».

Le travail du HDH s’inscrit dans un mouvement national mais doit aussi et surtout s’appliquer à l’échelle internationale, l’interopérabilité des données de santé étant un enjeu fondamental afin de faire progresser la recherche rapidement. Cette nécessité a notamment été pointée du doigt par la pandémie qui a démontré que les données devaient être partagées entre les pays pour mieux combattre la propagation du virus.

Dans ce contexte, la plateforme est le leader d’un projet-pilote européen qui sera mené sur deux ans et qui a débuté le mois dernier. Comptant 17 partenaires et 8 plateformes nationales, il vise à relier les différentes plateformes afin de créer un réseau et de mettre en place un parcours utilisateur s’appuyant sur ce dernier. Cinq cas d’usage ont été retenus pour faire la démonstration de ce réseau prototype : ils vont de la surveillance de la résistance microbienne à l’anticipation des parcours de soins dans les maladies cardio métaboliques grâce à l’intelligence artificielle.

Les Français sont-ils d’accord ?

Les données de santé peuvent aussi bien être exploitées dans la pratique de la médecine que dans la recherche, elles sont primordiales et représentent un enjeu d’avenir. Comme l’explique Fabrice Lenglart, directeur de la Drees, leur partage doit désormais être intégré comme une règle commune et naturelle, tandis que la gouvernance de ces données doit être lisible par tout le monde et sécurisée. Il faut en outre prévoir des financements pour continuer à structurer de nouvelles bases de données, tout cela dans des conditions de transparence. Pour rappel, le HDH a fait l’objet de nombreuses critiques car ses données sont hébergées chez Microsoft, une entreprise américaine, au détriment d’une société européenne. Cela devrait être le cas jusqu’en 2025, les fonctionnalités et l’infrastructure solide d’Azure étant compliquées à remplacer dans l’immédiat.

Bien sûr, la cybersécurité et la vie privée entrent en jeu, alors que de plus en plus d’hôpitaux sont victimes d’attaques ciblées et que les données de santé sont particulièrement prisées par les cybercriminels, se négociant à un prix d’or sur le dark web. Le HDH rappelle que si les données sont à disposition dans un catalogue, elles restent anonymisées et la plateforme accompagne ses partenaires afin que tout soit conforme au RGPD. En outre, le Health Data Hub dialogue avec la société civile dans le but d’écouter son avis, de l’informer, de la former, mais aussi de l’impliquer. Cela passe par des ateliers, des études, des consultations ainsi que par l’intervention d’un comité citoyen.

L’acceptation de l’utilisation des données de santé de la part des Français est en bonne voie : plus de 70 % des citoyens ont une approche favorable à leur exploitation pour eux-mêmes, mais aussi pour faire avancer la recherche. Il faut toutefois avancer pas à pas afin de ne pas commettre d’erreur et garantir la sécurité de ces données, « le numérique est devenu une arme et il faut protéger les données de santé des citoyens », assure le ministre de la Santé et de la Prévention.

Mêlées à d’autres technologies telles que l’intelligence artificielle ou les applications de santé, les données ont un immense potentiel pour prévenir des pathologies et les traiter de manière plus adaptée. Elles sont également un « outil d’avenir pour évaluer et prendre du recul sur la santé publique », et devront, à terme, être exploitées à des échelles plus larges afin que leur efficacité soit encore plus probante. Ce secteur ouvre en outre de nouvelles opportunités dans le numérique, tant l’exploitation des données de santé peut varier pour des cas d’usage divers et variés, avec l’avancée de la recherche au cœur des préoccupations des différents acteurs.