Pour le Wall Street Journal il s’agit de « l’une des propositions législatives les plus agressives circulant au Congrès et visant à limiter le pouvoir des grandes entreprises technologiques ». La loi sur la concurrence et la transparence dans la publicité numérique proposée par des sénateurs républicains et démocrates le 19 mai pourrait entraîner le démantèlement de l’activité technologie publicitaire de Google et éventuellement de Meta.

Google peut trembler

Ce sont les sénateurs les plus influents de la sous-commission judiciaire de l’antitrust qui sont à l’origine de cette proposition. Elle est portée par le principal républicain de la sous-commission, le républicain Mike Lee, la présidente de la sous-commission, la démocrate Amy Klobuchar, ainsi que deux figures des deux camps, le républicain Ted Cruz et le démocrate Richard Blumenthal.

L’objectif de cette loi est de lutter contre les conflits d’intérêts du secteur de la publicité numérique. Les entreprises traitant plus de 20 milliards de dollars de transactions publicitaires par an seraient exclues d’une partie des activités du secteur.

Il est souvent reproché à Google sa présence à toutes les étapes des enchères publicitaires. L’entreprise les gère, mais propose également des outils pour aider des tiers à vendre ou acheter des publicités. Cela a valu à Google une poursuite antitrust déclenchée par plus d’une dizaine de procureurs généraux américains en 2020. La Commission européenne réfléchie également a attaqué Mountain View sur ce point.

Mike Lee a expliqué au Wall Street Journal que « Lorsque Google est à la fois vendeur et acheteur et qu’il gère un marché d’échange, il bénéficie d’un avantage injuste et indu sur le marché, qui ne reflète pas nécessairement la valeur qu’il apporte ».

Face à cette offensive législative, portée par des sénateurs ayant plutôt l’habitude de s’affronter, Google a déclaré que ses outils publicitaires, et ceux de ses concurrents, « aident les sites Web et les applications américains à financer leur contenu, à favoriser la croissance des entreprises et à protéger les utilisateurs contre les risques liés à la confidentialité et les annonces trompeuses ».

L’entreprise affirme que « La suppression de ces outils nuirait aux éditeurs et aux annonceurs, réduirait la qualité des annonces et créerait de nouveaux risques pour la confidentialité ».

Alphabet, la maison mère de Google, comme Meta qui pourrait entrer dans les critères de la loi, est très dépendant des revenus de la publicité. Au quatrième trimestre 2021, le secteur représentait 80% du chiffre d’affaires de l’entreprise, avec 61,2 milliards de revenus. Dès lors il n’est guère étonnant que Google estime que « c’est le mauvais projet de loi, au mauvais moment, visant la mauvaise cible ».

L’actualisation de la législation antitrust américaine traîne

Une proposition de loi similaire doit être présentée à la Chambre des représentants, de façon bipartisane là aussi. Le Congrès est le théâtre d’une réelle effervescence autour de l’actualisation de la législation antitrust américaine.

Les deux lois qui la fondent, Claytone et Sherman, datent respectivement de 1914 et 1890. La dernière mise à jour majeure de la loi Claytone remonte à 1970. Pour beaucoup aux États-Unis, comme la présidente de la Federal Trade Commission Lina Khan, elles ne sont plus adaptées à la réalité des modèles économiques des grandes plateformes. Axées sur l’impact des prix pour le consommateur, elles ignorent la domination d’entreprises s’appuyant en grande partie sur des services gratuits.

L’avalanche de propositions d’actualisation de ces lois à l’économie numérique n’a, pour le moment, pas abouti. Le caractère bipartisan de la loi sur la concurrence et la transparence dans la publicité numérique devrait indubitablement améliorer ses chances d’être adoptée, même si les démocrates perdent leur faible ascendant sur le Congrès à l’occasion des élections de mi-mandat, en novembre 2022. Si elle devait passer, les entreprises concernées, donc Google, auront un an pour s’y conformer après sa promulgation.