La Commission judiciaire du Sénat américain a voté le 20 janvier l’une des nombreuses lois antitrust discutées par le Congrès américain, le American Innovation and Choice Online Act. Une étape prometteuse pour son adoption future, mais il reste un long chemin semé d’embûche à parcourir.

La semaine des GAFAM : Lobby, Lobby, Lobby

Toute la semaine Apple, Google et Amazon se sont démenés pour mener un lobbying extrêmement agressif : financement de campagne de publicité dans les États des sénateurs de la commission, création de groupe de petites entreprises en soutien, communiqué alarmiste sur les conséquences de la future législation sur la sécurité, la prospérité américaine… Tout cela en vain ou presque avec une bataille perdue.

L’objet de leur courroux ? Une loi taillée sur mesure pour les GAFAM. L’American Innovation and Choice Online Act vise à interdire de favoriser ses produits et services sur ses propres plateformes. Les GAFAM ne pourront plus exploiter la situation dominante de leurs plateformes pour récupérer des données sur leurs concurrents et modifier les résultats de recherches pour les faire disparaître.

L’American Innovation and Choice Online Act s’applique aux entreprises dont la capitalisation boursière est au-delà de 550 milliards et qui disposent de plus de 50 millions d’utilisateurs actifs mensuels. En clair, les GAFAM.

Les démocrates en ordre dispersé

Une loi si ciblée pose problème à certains élus de tout bord. Notamment pour le sénateur démocrate Alex Padilla, cité par le Wall Street Journal, « il est difficile de voir la justification d’un projet de loi qui ne réglemente le comportement que d’une poignée d’entreprises tout en permettant à toutes les autres de continuer à adopter exactement le même comportement ».

Comme beaucoup de réfractaires démocrates à cette loi, Alex Padilla est élu de Californie, où se trouve le siège de la plupart des GAFAM. Il a tout de même voté en faveur du texte, adopté par 16 voix contre 6. Il a cependant affirmé qu’il ne le voterait pas en l’état, en plénière, la prochaine étape du parcours législatif du texte.

Il n’est pas le seul. Plus de 100 amendements ont été déposés, seule une poignée a été discutée, très peu ont été adoptés, rapporte CNBC. La Commission a expédié le vote en 3 heures dans un souci d’efficacité. La prise en compte des plateformes étrangères, au hasard TikTok de ByteDance, a tout de même été ajoutée.

Il faut dire que sous la pression des lobbyistes des GAFAM et la surprenante absence de soutien officiel de la Maison-Blanche, les projets antitrust du Congrès traînent dangereusement.

Un texte similaire et cinq autres ont été votés en juin 2021 en Commission, à la Chambre des représentants. Ils n’ont toujours pas été discutés par la Chambre en session plénière. L’argument de Nancy Pelosi, présidente démocrate de la Chambre, accessoirement élue en Californie, est celui de la trop forte division de son camp. Ce en quoi elle n’a pas complètement tort.

L’espoir antitrust fait vivre au Congrès américain

Néanmoins, les élections de mi-mandat approchent à pas de géant et les démocrates n’ont plus que quelques mois s’ils veulent des avancées concrètes dans la législation antitrust. Beaucoup d’observateurs estiment dans la presse américaine que tous les projets ne passeront pas : la majorité démocrate est fragile et divisée en Congrès, les textes ont beau être bipartisans, l’approche des républicains est sur de nombreux points dissemblables à celle des démocrates, la Maison-Blanche est fébrile, le délai, 10 mois, est très serrée…

La stratégie des élus sera probablement de se concentrer sur quelques textes, les plus avancées dans le processus législatif, pour ne pas repartir les mains vides. Au grand dam des GAFAM, l’American Innovation and Choice Online Act est probablement le plus susceptible d’aboutir.