La Federal Trade Commission (FTC) et la section antitrust du département de la Justice (DoJ) ont lancé une consultation publique (pdf) pour actualiser les directives sur les fusions acquisitions. Hasard du calendrier, cette volonté d’actualisation visant à répondre aux défis des marchés numériques a été lancée le 18 janvier, jour de l’annonce du rachat d’Activision Blizzard par Microsoft pour 68,7 milliards de dollars.

L’antitrust américain face aux nouveaux défis de l’économie numérique

« Cette enquête lancée par la FTC et le DOJ vise à garantir que nos lignes directrices sur les fusions reflètent fidèlement les réalités du marché moderne et à nous équiper pour faire appliquer la loi avec force contre les accords illégaux » telle qu’énoncée par Lina Khan, présidente de la FTC.

Cette modernisation vise, officiellement, tous les marchés, dans la série de questions soumise à l’avis du public, le marché du numérique apparaît toutefois comme une cible évidente.

La révision des règles des deux agences doit aboutir à la meilleure prise en compte de diverses conséquences d’un monopole sur l’économie américaine. Jusqu’à présent, l’élément central pour caractériser une position dominante sur le marché aux États-Unis est d’évaluer son impact sur l’évolution des prix pour les consommateurs.

Les services numériques, souvent mal définis et partiellement gratuits, parviennent aisément à passer entre les règles de l’antitrust américain. Pour parvenir à les bloquer, la FTC et le DoJ veulent prendre en compte l’effet d’un monopole sur le marché du travail, l’innovation, la qualité des produits, l’accumulation de données, le double statut d’annonceurs et de consommateurs de certaines plateformes, etc.

La FTC et le DoJ veulent éviter tout soupçon de partialité

Pour TechCrunch le projet de révision est déjà en partie écrit. Avec cynisme, le média américain estime que le choix d’une consultation publique vise à éviter les accusations de conflits d’intérêts grâce à un soutien populaire. Lina Khan est connue pour ses travaux sur le monopole d’Amazon avant sa nomination à la FTC. Amazon et Facebook tentent déjà de l’évincer des affaires les concernant. Jonathan Kanter, procureur général adjoint à la tête de l’antitrust du DoJ, a, de son côté, longuement étudié le cas Google.

Lina Khan et Jonathan Kanter font partie de la dream team de l’administration Biden pour mieux contrôler les géants du numérique américain. Le bilan du président américain est toutefois fragile estime Gizmodo. Un décret surtout symbolique pour donner plus de pouvoir à la FTC et au DoJ et une révision de leurs directives sur les fusions verticales, des logiciels de bureaux vers le jeu vidéo, par exemple, n’ont pas donné beaucoup de résultats.

La difficile mission des deux agences antitrust

Le contexte économique n’est pas favorable aux deux agences américaines. 2021 a été marquée par plus de 1047 accords de fusion d’au moins 100 millions de dollars. Deux fois plus de demandes que sur les cinq dernières années. Plus que ne peut traiter la FTC. L’agence a prévenu qu’elle pourrait revenir à postériori sur des fusions déjà exécutées tellement elle est débordée.

La justice américaine elle-même est un frein à la prise de mesure stricte contre les pratiques monopolistiques des grandes entreprises. Par conservatisme, les juges américains ont tendance à privilégier l’argument, dépassé, du prix dans leurs décisions. C’est justement aux tribunaux de bloquer ou non une fusion jugée condamnable par la FTC et le DoJ.

Les deux agences ont du chemin à parcourir avant de pouvoir s’opposer efficacement aux pratiques des géants du numérique. Pour la révision de leurs directives, la consultation publique prendra soixante jours. Une version préliminaire des nouvelles lignes sera de nouveau soumise aux avis du public. La FTC et le DoJ espèrent qu’elles rentreront en application d’ici la fin 2022.