Un groupe de démocrates fait actuellement circuler un projet de loi à la Chambre des Représentants. Il comprend plusieurs règles antitrust qui, si elles sont officialisées, ne vont certainement pas plaire au GAFA. Elles préviendraient par exemple les plateformes de barrer la route à d’autres en faisant la promotion ou en favorisant leurs propres solutions, ou compliqueraient la réalisation de fusions ou d’acquisitions.

Ce projet de loi est la suite logique des audiences antitrust de l’été dernier. Après une enquête ayant duré 16 mois, le Congrès a convoqué les PDG d’Apple, Amazon, Facebook, et Google pour une audition historique qui aura duré plus de 5 heures. David Cicilline, président du Comité antitrust l’avait conclue avec un message loin d’être ambiguë : « Nos fondateurs ont refusé de se prosterner devant un roi. Aussi nous n’avons pas à nous agenouiller devant les empereurs de l’économie numérique. »

Quelques semaines plus tard, le rapport de la Commission ne sera pas moins clair : il faut démanteler les GAFA. Leur business model est nocif pour leurs concurrents, et par extension pour les consommateurs américains. Au-delà de cette prise de position, la Commission avait promis un renfort de la législation, voilà qu’il pointe le bout de son nez.

Que contient le projet de loi antitrust ?

Axios et CNBC qui ont pu accéder au brouillon rapportent la présence de cinq parties. La première, soumise par le Représentant Joe Neguse, viendrait compléter le Merger Filing Fee Modernization Act, débattu et adopté cette semaine. Elle consisterait à augmenter les frais demandés aux sociétés lorsqu’elles informent la FTC et la division antitrust du Département de la Justice (DOJ). L’objectif ici serait de collecter plus de fonds pour ces organes, afin qu’ils aient plus de ressources pour surveiller et enquêter sur les pratiques anticoncurrentielles.

Vient ensuite le Ending Platform Monopolies Act poussé par la Représentante Pramila Jayapal. Comme pour les paramètres du Digital Market Act en Europe, il s’agit de créer une catégorie d’entreprise. Ici, la loi vise des plateformes ayant au moins 500 000 utilisateurs actifs mensuels aux États-Unis, et une valeur boursière dépassant 600 milliards de dollars. Pour ces entreprises, il serait illégal d’en posséder une autre qui représenterait un conflit d’intérêts. Ce dernier étant défini comme l’incitation à favoriser ses propres services par rapport aux concurrents, ou à les désavantager.

Le représentant Hakeem Jeffries quant a lui soumet le Platform Competition and Opportunity Act. Ici, en cas d’acquisition, les plateformes devraient prouver que leur projet est légal. Auparavant, c’était à l’État de s’assurer que l’acquisition ne limiterait pas la concurrence. D’après CNBC, cette mesure aurait tendance à ralentir les acquisitions à tout va des géants du numérique.

La troisième loi vient de David Cicilline, baptisée Platform Anti-Monopoly Act. Elle tend à interdire (parmi d’autres interdictions) aux plateformes le blocage de leurs services à un concurrent, ou encore l’exploitation de données non publiques pour alimenter leurs propres produits. Une pratique pour laquelle Amazon fait l’objet de procès antitrust.

Enfin, l’Augmenting Compatibility and Competition by Enabling Service Switching (ACCESS) Act de la Représentante Mary Scanlon obligerait les plateformes à appliquer des normes pour l’interopérabilité et la portabilité des données. Une approche permettant aux consommateurs de quitter plus facilement un écosystème, pour un autre.

S’il ne s’agit que des projets, ces cinq lois viendraient diminuer l’emprise que les géants ont réussi à instaurer au fil des années sur leur marché. Si l’on distingue quelques similitudes avec les DSA et DMA européens, ces textes auraient des effets inédits sur la concurrence aux États-Unis.