Un rapport majeur a été délivré par The New York Times sur les pratiques du gouvernement chinois. Plus de 400 pages ont ainsi été décortiquées, contenant des directives pour surveiller et interner massivement les Ouïgours et d’autres populations musulmanes. Cette persécution a entre autres été rendue possible grâce à la technologie permettant la surveillance en masse, qui, lorsqu’elle est ainsi utilisée, atteint des sommets dictatoriaux.

Un internement massif

Les leaders gouvernementaux, incluant le président Xi Jinping ont établi un programme de surveillance contre le peuple Ouïgour, rapportait le New York Times il y a une semaine. Depuis, un autre rapport établit par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), organisation indépendante et bénévole, présente la manière dont la surveillance de masse aurait permis l’identification et l’arrestation de plus d’un million de personnes (les chiffres exacts sont encore difficiles à déterminer).

Ainsi sont désormais détenus dans des camps : des Ouïgours, des Kazakhs, et plusieurs autres minorités vivant sur le sol chinois. Certains citoyens étrangers seraient également prisonniers. L’un des responsables de ces camps, interviewé par la chaine NBC début septembre 2019, explique qu’il s’agit de centres d’entrainement, à vocation éducative : « Si nous laissons les pensées terroristes se développer, il est très facile de voir des émeutes ou d’autres problèmes apparaitre », et d’ajouter « Notre centre est un centre de prévention pour empêcher le développement des pensées terroristes ».

Si les rapports ont été rendus publics récemment, le fait, lui, n’est pas nouveau. En août 2018, plusieurs groupes internationaux engagés pour faire respecter les droits de l’homme alertaient sur la situation. Gay McDougall, avocate engagée dans la défense internationale des droits humains, ancien membre du comité des Nations unies, et membre du CERD (Committee on the Elimination of Racial Discrimination), accusait la Chine de transformer la région du Xinjiang – région où vivent la plupart des Ouïgours – en « quelque chose qui ressemble à un internement massif de personne, dans des camps enveloppés de secret, une sorte de zone de non-droit ».

Quand la technologie est utilisée dans un cadre aux antipodes de la démocratie

Les forces de l’ordre ont été réquisitionnées pour surveiller, et arrêter une population en masse grâce aux possibilités qu’offrent désormais la technologie. Les documents répertoriés, vérifiés par des experts indépendants, et des linguistes, précise l’ICIJ, ont démontré « que le pouvoir de la technologie aide à conduire à l’échelle industrielle le non-respect des droits humains » en Chine.

Une plateforme policière sert aux forces de l’ordre pour collecter les données personnelles grâce aux outils de reconnaissance faciale. L’intelligence artificielle est également utilisée pour identifier diverses catégories de population dans le Xinjiang, et les placer en détention, rapporte ainsi TechCrunch.

Les données utilisées par la police chinoise pour ensuite conduire aux interrogations et arrestations, regroupent des informations tels que : le groupe sanguin, la taille, les plaques d’immatriculation, le niveau d’éducation, la profession, les trajets effectués, la lecture des compteurs électriques. Des algorithmes établis à partir de ces éléments sont ensuite utilisés par les autorités chinoises pour déterminer les comportements suspicieux.

Les forces de l’ordre ont également reçu l’ordre de surveiller les utilisateurs de Zaypa, application de partage peer to peer permettant d’envoyer des messages et des fichiers, sans passer par une connexion internet. La startup à l’origine de cette application, DewMobile – soutenue financièrement par InnoSpring et la Banque de la Silicon Valley, rapporte TechCrunch – a été appelée à commenter, mais est restée muette jusqu’ici, déclare l’ICJ.

Les personnes soumises à cette surveillance sont ainsi arrêtées, et mises en détention dans des camps, non pas pour « ce qu’ils ont fait, mais pour ce qu’ils pourraient faire » comme l’explique Le Monde diplomatique.

Le gouvernement chinois et son président font part d’une prévention d’ordre « sécuritaire », trouvant, selon eux, sa justification dans les attentats, ou actions violentes non préparées, ayant eu lieu entre 2008 et 2011 en Chine.

Il n’empêche que les pratiques établies depuis par le gouvernement, sont ni plus ni moins anti-démocratiques. Si la technologie fait des prouesses, elle mérite toutefois d’être encadrée par des lois qui garantissent les droits humains. Aussi, quand la CNIL insiste sur la nécessité d’établir un modèle numérique européen, veillant à prévenir ce type de dérives, on ne peut qu’être convaincu par le caractère crucial d’une telle initiative.