Une agence fédérale américaine, l’Internal Revenue Service (IRS), chargée de la collecte des taxes aux États-Unis, a annoncé le vendredi 8 novembre avoir identifié des « douzaines » de fraudeurs fiscaux ou cybercriminels utilisant des cryptomonnaies.

L’IRS ce n’est pas la NSA, le FBI ou toute autres agence américaines que le monde entier a appris à connaître grâce à Hollywood. C’est une vieille et vénérable institution créée en 1862, rattachée au département du trésor américain, chargée de la collecte de l’impôt et du respect des lois fiscales américaines.

Les cryptomonnaies dans le viseur du fisc américain

Au cours de ses 157 ans d’existence, l’agence a dû faire face à différentes formes de fraudes fiscales auxquels il a fallu s’adapter. Aujourd’hui c’est aux cryptomonnaies qu’elle s’attaque comme l’explique la direction de l’agence dans un communiqué, « La fraude fiscale n’est pas un nouveau crime, mais la sophistication avec laquelle les criminels commettent des fraudes fiscales s’est considérablement accrue ces dernières années grâce aux activités liées à l’informatique ».

Dans le domaine de lutte contre le blanchiment d’argent et de la cybercriminalité, l’IRS s’est fait mondialement connaître, récemment, en démantelant un réseau international de pédopornographie qui avait pignon sur rue dans le darkweb.

L’agence se penche sur les cryptomonnaies, Bitcoin ou autres, depuis 2014. Considérant que ces monnaies permettent d’acheter ou de vendre des biens, qu’elles peuvent être l’objet de spéculation, elles doivent être soumises aux lois fiscales américaines.

Par exemple les échanges Bitcoin destinés à l’acquisition de capitaux sur un temps court sont soumis à un impôt pouvant aller jusqu’à 39% de la valeur du dit échange. Ceux qui gardent leur Bitcoin sur plus d’un an sont soumis à l’impôt sur plus-values à long terme, de 15% à 23,8%.

En octobre, l’institution a déployé les grands moyens pour faire comprendre ce principe aux utilisateurs de cryptomonnaie. Elle a transmis aux conseillers fiscaux du pays une directive sur comment les revenues des monnaies virtuelles doivent être déclarés.

Et l’IRS compte bien faire appliquer ses consignes, cette année plus de 10 000 lettres ont été envoyées à des contribuables américains pour les prévenir qu’ils encouraient des sanctions pour avoir contourné les taxes sur les investissements virtuels.

L’agence a expliqué avoir déjà identifié des « douzaines » de fraudeurs et cybercriminels grâce à une coopération internationale. Au sein du Joint Chiefs of Global Tax Enforcement, les États unis, le Royaume-Uni, l’Australie et le Canada, s’échangent des données, des outils et des stratégies pour faire respecter les lois fiscales.

Comment désanonymiser les transactions en Bitcoin ?

Ces poursuites ne vont pourtant pas de soi, même dans une situation de collaboration internationale : les transactions en Bitcoin sont théoriquement impossibles à désanonymiser, techniquement parlant.

L’agence entretient le flou sur ses méthodes pour remonter jusqu’aux cybercriminels ou fraudeurs qui utilisent des cryptomonnaies réputées intraçables. Ryan Korner, un agent du bureau d’enquête criminelle de l’IRS s’est contenté de déclarer à Bloomberg que l’agence a développé une expertise sur « qui déplace de l’argent et où cet argent va », évoquant tout au plus « des outils que nous n’avions pas il y a encore six mois ou un an ».

À l’occasion du démantèlement du réseau de pédopornographie précédemment évoqué, le chef de la section criminelle de l’IRS avait affirmé que l’agence avait « La capacité […] à analyser la blockchain et à désanonymiser les transactions bitcoin ».

Interrogé sur la question à ce sujet Sébastien Bourguignon, expert blockchain et digital, avait formulé à Siècle digital des théories sur les méthodes employées par les limiers américains, « Ce que la police a sûrement fait, c’est remonter la source d’une transaction Bitcoin en réalisant des transactions avec les utilisateurs sans qu’ils dévoilent leur identité, potentiellement en ayant infiltré le réseau en son sein pour ensuite remonter par recoupement d’informations (adresses IP, clés publiques, historique des transactions…) à une identité physique des individus. Une autre option pourrait être d’accéder à l’identité vérifiée d’un utilisateur sur un wallet hébergé sur un exchange. Les autorités peuvent demander à ce que ces plateformes dévoilent les informations personnelles de leurs utilisateurs ».

Les dernières réussites de l’IRS tendent à prouver que tout anonymat, même assuré techniquement, peut-être levé après un travail d’enquête. Il n’est guère étonnant que ce soit justement le fisc qui soit à la pointe pour retrouver la trace de l’argent dissimulé.