Après les médias (et autres institutions), c’est au tour des réseaux sociaux de faire face à la défiance des Français et les actualités récentes n’ont fait que renforcer ce phénomène.

Entre 2015 et 2018, les réseaux sociaux que nous connaissons tous : Facebook ; Instagram, mais aussi Twitter ont perdu en popularité notamment chez les plus jeunes (que l’on appelle en marketing Millenials). Si cette perte de popularité s’explique par l’apparition et la démocratisation d’autres réseaux comme Snapchat, il n’en demeure pas moins que l’on peut se demander s’il n’y a pas une cause plus profonde à ce désintérêt.

Le scandale de Cambridge Analytica comme symptôme d’une crise plus profonde

Le 17 mars, le Guardian et le New York Times révélaient qu’une société britannique Cambridge Analytica, avait récolté les données d’abonnés Facebook, à leur insu. Début avril, Mark Zuckerberg a reconnu que 86,3 millions d’utilisateurs étaient concernés. Mark Zuckerberg a dû s’expliquer devant le Congrès américain, le Parlement européen de Bruxelles et une commission parlementaire britannique. En deux semaines, la capitalisation boursière de sa société a fondu de près de 100 milliards de dollars.

Pourtant, ce n’est pas la première fois que Facebook connaît des critiques, notamment depuis l’élection de Donald Trump puisque la société avait entre autres été accusée de faciliter la diffusion de fake news favorisant l’élection de Donald Trump. Le réseau social avait alors engagé une lutte active contre les fake news en supprimant par exemple 30 000 comptes.

Pour autant, cet esclandre semble être la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Cette fois-ci, Brian Acton, cofondateur de la messagerie WhatsApp, cédée à Facebook en 2014, a appelé à quitter Facebook. Mouvement suivi par une multitude d’internautes à travers le globe. D’ailleurs dans un sondage Ifop commandé par le Parisien (et largement repris), 1 Français sur 4 se disait prêt à supprimer son compte Facebook à l’image de la Caisse nationale d’assurance vieillesse. Le sondage révèle aussi que 73 % des Français sont au courant du scandale et 67 % d’entre eux déclarent se méfier de Facebook. On peut néanmoins se demander si les Français le feront réellement surtout quand on voit qu’au 1er trimestre, les chiffres des réseaux sociaux sont en hausse.

Une crise liée à la gestion des données ou une lassitude ?

Les Français commencent peu à peu à prendre conscience que la gestion des données personnelles est une réelle problématique de notre époque, et l’application de la règlementation de la gestion des données personnelles (qu’on aime appeler RGPD) renforce l’idée que nous ne maîtrisons pas le sujet. Les utilisateurs d’Internet ont fini par comprendre ce vieil adage : « si c’est gratuit, c’est que tu es le produit ». Ils ont donc conscience que leurs données sont récoltées.

Pourtant dans le sondage de l’Ifop pour le Parisien, parmi les Français qui se méfient des réseaux sociaux, 65 % des personnes interrogées mettent en avant le fait qu’ils craignent de voir utiliser leurs données (42 % d’entre eux la citent en premier). Le sondage révèle aussi que 19 % des Français estiment perdre trop de temps sur les réseaux sociaux, alors que l’on continue de chercher de la reconnaissance. Justin Rosenstein, l’un des créateurs de ce bouton « J’aime », a lui-même critiqué le « pseudo-plaisir » provoqué par son invention, qui nous incite à rester connectés, même si on a mieux à faire… Les autres reproches des sondés sont la diffusion des arnaques (pour 38 % des sondés) et des fausses informations ou fake news (26 %), mais aussi l’irritation face aux points de vue exprimés sur les réseaux sociaux (26 %) et le risque de cyberharcèlement (19 %).

Une crise généralisée à l’ensemble des réseaux sociaux ?

Le sondage ne concerne pas que Facebook et laisse apparaître que la crise touche en réalité l’ensemble des réseaux sociaux : 30 % des détenteurs d’un compte Twitter affirment avoir l’intention de supprimer leur compte. Ils sont 25% chez Facebook, 22 % chez Snapchat et 19 % chez Instagram.

Twitter se voit reprocher de faire circuler des « fake news » ce qui a entraîné une situation cocasse pour la Commuty Manager de Netflix lorsqu’un abonné lui a demandé de citer sa source suite à l’annonce d’une troisième saison de La Casa de Papel sur Netflix. Ce qui a d’ailleurs été l’occasion pour Netflix de changer sa bio sur Twitter.

 

Sur un autre ton début avril, on apprenait que l’application de rencontre Grindr avait laissé des entreprises accéder aux données des membres, notamment au « statut VIH », qu’ils renseignent sur leur profil s’ils le souhaitent, avec éventuellement la date de leur dernier test de dépistage du sida.

Ainsi de plus en plus de personnalité publique ont appelé récemment à ne plus utiliser tel ou tel réseau social le 11 mars dernier, la chanteuse Rihanna appelait de son côté à quitter Snapchat, réagissant à une publicité douteuse où l’application proposait de choisir entre « gifler Rihanna » et « frapper Chris Brown ». D’autres les ont tout simplement quitté ainsi Karine Le Marchand, animatrice de M6, a fermé son compte Twitter mi-mars, excédée par ce « déversoir de haine » tout comme Michel Cymes, le médecin star de France 5, l’avait fait en avril 2017.

Même si l’on peut douter que les réseaux sociaux disparaissent demain, on ne peut que constater que l’époque de l’inconscience est terminée. Nous entrons dans une phase avec un usage plus raisonné. Il nous reste encore beaucoup à faire pourtant pour éduquer à ces outils en perpétuelle mutation.

Retrouvez l’étude complète.