« Si c’est une drogue, alors quels en sont les effets secondaires ? C’est dans cette zone entre joie et embarras que Black Mirror se situe. Le ‘miroir noir’ du titre est celui que vous voyez sur chaque mur, sur chaque bureau et dans chaque main, un écran froid et brillant d’une télévision ou d’un smartphone ». C’est avec ces mots que le créateur de la série Charlie Brooker décrit notre (potentiel) addiction à la technologie. Si elle nous fait rire, nous gêne ou nous angoisse, la saga Black Mirror a surtout le mérite de faire réfléchir au rôle que nous attribuons aux technologies. Chaque semaine, nous résumerons et donnerons notre avis sur l’un des épisodes de la saison 4 de la série britannique. Attention, spoilers.

Seul épisode en noir et blanc de toute la série Black Mirror, Metalhead est le récit d’une chasse à l’homme. Seulement, cette dernière n’a pas seulement lieu entre être humain puisque le chasseur est un robot bien particulier. Comme les autres épisodes, aucune indication spatiotemporelle n’est donnée, tout laisse seulement à imaginer ce qui a pu se passer avant. Metalhead suppose un passé durant lequel les humains ont affronté une intelligence artificielle pour finalement repartir perdants. Par la suite, ceux-ci doivent vivre reclus pour espérer être en sécurité loin des robots tueurs. Robots tueurs à mettre d’ailleurs en parallèle avec cette vidéo fiction qui met en scène des drones tueurs ayant été piratés pour tuer des groupes de personnes. Comme dans Metalhead, c’est le début d’une nouvelle dictature imposée par les machines.

Nous voilà donc en voiture avec trois personnages du nom de Bella, Tony et Clarke. Bien que la conversation ne soit pas vraiment compréhensible, le spectateur comprend aisément qu’ils doivent se rendre dans un espace dangereux pour aller chercher quelque chose. Si l’on ne sait pas quoi, cela a le mérite d’être important puisqu’ils l’ont tout les trois promis à un personnage qui n’est pas à l’écran. Les voilà se rappeler de l’époque où ils y avaient encore des porcs dans les champs, avant que « les chiens » ne s’en occupent. Une fois arrivé dans l’entrepôt, il ne faudra que peu de temps pour que l’un des personnages meure, tué par une bête de métal. Le robot en question ne possède pas vraiment de paire d’yeux, mais ses quatre pattes et sa façon de se mouvoir s’apparentent directement à du biomimétisme. La machine imite le vivant. Et dans ce cas, elle fait exploser la tête de Tony. Rien ne laisser à prévoir qu’un robot terrifiant par son manque d’expression se cachait derrière un large carton. Malgré le fait que Clarke et Bella réussissent à s’emparer d’une voiture, l’homme mourra quelques minutes après, lui aussi tué par la machine aux reflets brillants. Le fait d’avoir baptisé les robots « chiens » est synonyme d’un lourd contraste avec le vivant. Dans l’imaginaire collectif, le chien représente le meilleur ami de l’homme, loyal, capable de le suivre et de trouver son maître même s’il est loin de lui. Si le robot est capable de retrouver Bella partout dans l’épisode, ce n’est certainement pas pour lui prouver sa loyauté.

Il aura fallu environ dix minutes pour que Bella s’élève au rang de personnage principal, perdue seule dans de grands espaces mêlant forêt et rivière. La mécanique de l’épisode se met en place. Bella, équipée d’un talkie-walkie comme seul lien avec les autres vivants, se retrouve dans une prison au ciel bleu. Sans voiture, elle n’a que ses jambes pour espérer fuir et se cacher du robot que tous nomment « chien ». D’ailleurs, l’épisode s’apparente presque à un huit-clos. Une fois Tony et Clarke morts, Bella n’aura plus personne avec qui échanger un seul dialogue. Bien qu’elle tente de contacter ses proches reclus en sécurité, elle n’aura aucune réponse à ses interrogations et ses tentatives. Dans ce monde post-apocalyptique, elle court dans la forêt pour se cacher en haut d’un arbre. Compte tenu du fait que le robot s’est préalablement blessé l’une de ses pattes en métal, il est incapable d’escalader l’arbre comme il se doit. Alors vient une idée à Bella, battre la machine par la seule faiblesse qui pourrait la mettre hors d’état de nuire : la batterie. Pendant une nuit entière, elle jettera des bonbons sur l’ennemi sans visage pour le fatiguer, reprenant son décompte à chaque lancer. Au matin, la bête semble endormie, du moins elle gît sur le sol.

Bella fonce alors vers un lieu qui pourrait lui apporter de la sécurité, une énorme maison aux signes de richesses apparents. Lorsqu’elle arrive à y entrer, elle remarque rapidement les deux corps étendus sur le lit, un couple dont les cadavres se putréfient depuis un moment. Elle dépasse ses nausées pour se saisir de la carabine que l’homme tient encore dans ses mains et se prépare à l’assaut. Le contraste de Bella dans son long blouson abimé et de la maison pleine de richesses fait sens. Même les riches n’ont pas pu se sauver de l’intelligence artificielle devenue meurtrière. Lorsque le chien arrive, il se mélange aussi aux caractéristiques humaines en se saisissant d’en couteau comme s’il était humain. Bella arrive finalement à priver le robot de sa vue pour ensuite retourner se cacher dans la maison. Néanmoins, elle s’aperçoit des éclats de métal incrustés partout dans son visage et son cou. Des petits morceaux qui permettent aux robots de la géolocaliser et de la retrouver. Si elle en avait déjà enlevé un de sa cuisse plus tôt dans l’épisode, elle ne se résout pas à se charcuter la peau. Après avoir tenté une ultime fois de joindre l’extérieur par talkie-walkie, elle se tranche la gorge dans la salle de bains tandis que l’on aperçoit un plan aérien de multiples robots fonçant dans les bois pour se rendre dans la maison. Elle ne voulait définitivement pas mourir tuée par les mains d’une machine.

Black Mirror Metalhead

Le dernier plan nous fait retourner à l’entrepôt abandonné dans lequel le groupe de trois venait chercher cette chose si importante. Une caisse d’ours en peluche blancs éparpillés au sol. C’est peut-être le seul élément de l’épisode qui nous rattache à un sentiment de naïveté, et d’innocence, rappelant cette promesse que Bella a fait à quelqu’un dont il ne restait que quelques jours à vivre. L’animal blanc inanimé est seul élément qui nous rappelle qu’il y a un monde caché, vivant sans donner de réponses au talkie-walkie. À ce moment-là, il nous vient un mélange d’émotion, du au fait que trois personnes sont mortes pour une simple peluche. Et à l’inverse, le puissant symbole de cette peluche dont tous avaient besoin pour se rassurer et se rappeler leur humanité.

Au bout d’une chasse à l’homme de 41 minutes, il ne reste que la musique du plan final et ce vide laissé par le décalage entre ces grands espaces naturels et le destin de Bella. Épisode minimaliste, Metalhead peut sembler n’avoir que peu de choses à apporter par rapport à de précédents récits. S’il montre bien une chose, c’est que contrairement à un humain, le robot ne s’arrête jamais avant d’avoir effectué une tâche. Et il n’a pas son humanité pour l’arrêter.

À la base, le réalisateur de l’épisode souhaitait terminer l’épisode par un plan montrant un homme au bord de l’océan, en train de contrôler les faits et gestes du chien-robot. Au final, toute la pertinence de l’épisode tient dans le fait que les robots tueurs apparaissent comme étant entièrement autonomes.

Black Mirror Metalhead