Racheter un concurrent direct, pour 20 milliards de dollars, attire forcément l’attention des autorités antitrust à travers le monde. Adobe, qui a lancé le rachat de Figma en septembre 2022, s’en doutait. La Commission européenne se tiendrait prête à enquêter sur l’opération.

Adobe a mis le paquet, un peu trop ?

La Commission européenne aurait reçu en février plus d’une dizaine de demandes d’autorités de la concurrence venant d’État membres pour examiner l’opération menée par Adobe, selon des révélations de Bloomberg à l’époque. Une information qui semble se confirmer selon des informations récentes du Financial Times.

Le champion du logiciel Adobe, spécialisé dans les outils de conception numériques, a officialisé son intérêt pour Figma depuis plusieurs mois. Il n’est pas peu dire qu’il en a mis les moyens pour ce qui s’annonce comme l’acquisition la plus coûteuse de son histoire. Avec 20 milliards de dollars, son offre représente cinquante fois le chiffre d’affaires annuel de l’entreprise et le double de sa dernière valorisation de 2021. Une partie serait reversée en liquide, le reste en action.

Figma, avec son concurrent Canva, menace la domination du géant, valorisé à 140 milliards de dollars, via ses outils de conception basée sur le cloud. Son succès est grandissant. C’est largement suffisant pour attirer l’attention des autorités de la concurrence. Elles redoutent que l’opération ne soit qu’une manœuvre pour supprimer un concurrent émergeant, aboutissant à une baisse de l’innovation et une augmentation des prix.

La Competition and Markets Authority (CMA), côté britannique, a lancé une enquête préliminaire début mai. Le département de la Justice, l’autre jambe de l’antitrust aux États-Unis avec la Federal Trade Commission, préparerait une action de son côté.

La Commission européenne serait, elle, en attente d’une notification officielle de l’opération, étape qu’Adobe n’a pas encore remplie. Les deux groupes ayant des activités assez restreintes en Europe, l’opération aurait pu passer au travers d’une enquête, mais cela n’a pas l’air d’être la perspective de l’institution. Une fois la procédure de notification accomplie, l’antitrust Européen devrait donc bel et bien lancer une enquête préliminaire, de phase 1 qui pourrait se poursuivre en une investigation approfondie.

Adobe apparaît parfaitement conscient des doutes qui pèsent sur son opération. À l’occasion d’une présentation de résultats financiers elle avait fait part des risques à ses investisseurs. Dans une déclaration relayée par le Financial Times, l’entreprise se dit « confiant dans le fond de l’affaire et se réjouissait de mener à bien la transaction ».

Elle discuterait avec Washington, Londres et Bruxelles. En février elle estimait encore pouvoir achever son achat au cours de l’année 2023.