À l’abri des regards indiscrets, sous un chapiteau blanc installé à l’Orange Gardens, le centre de recherche et développement d’Orange situé dans la banlieue parisienne, dort le H1st vision (Human First vision), le concept-car électrique de la Software République, un consortium de grandes entreprises tech. Ce véhicule expérimental, présenté en avant-première à Siècle Digital, embarque 20 innovations conçues par 12 sociétés partenaires : Dassault Systèmes, Orange, le groupe Renault, STMicroelectronics, Thales, Arkamys, Compredict, Epicnpoc, Eyelights, JCDecaux, Kardome et Stern Tech. L’ambition de la Software République ? « Contribuer à la création d’un écosystème européen de mobilité durable, souveraine et sûre » en proposant des technologies à destination du secteur de l’automobile tournée vers la sécurité et le bien-être des passagers, mais aussi des usagers de la route. Le H1st vision a été dévoilé au grand public ce mercredi 14 juin à VivaTech.
Un projet monté en six mois
Construire un concept-car en l’espace de six mois, c’est le pari que se sont lancé les présidents-directeurs généraux des six membres fondateurs de Software République. Selon Éric Feunteun, directeur des opérations de Software République pour Renault, « cette notion de collaboration pour un concept-car » est une première mondiale. Il explique qu’en temps normal, un tel projet ne fait intervenir qu’un designer soutenu par une équipe réduite et prend 12 à 18 mois pour être réalisé. Le H1st vision a mobilisé plus d’une centaine de collaborateurs.
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Si la majorité d’entre eux sont des acteurs français ou largement implantés en France, il n’est pas question pour Software République de souveraineté dans le domaine des véhicules connectés. Frédérique Le Grevès, pdg de STMicroelectronics France, numéro 2 européen des semi-conducteurs, confie à Siècle Digital que le but premier est de « créer la voiture du futur en testant des innovations et l’appétence du public pour ces dernières ». Les technologies présentées à bord du H1st vision ne seront pas exclusivement réservées aux partenaires de la Software République et ont vocation à être commercialisées à l’ensemble des acteurs de l’industrie automobile.
20 innovations à bord
« Sous sa carrosserie de voiture futuriste, le concept-car H1st vision est un démonstrateur technologique tourné vers l’humain », décrit la Software République. Le consortium souligne que ces 20 innovations sont tirées de plusieurs secteurs (sécurité, militaire, aéronautique, etc.) pour être adaptées à celui de la mobilité.
En rassemblant leur savoir-faire, Thales, STMicroelectronics, le groupe Renault et la start-up EyeLights, spécialisée dans les solutions de réalité augmentée pour la mobilité, proposent un système de reconnaissance biométrique. Celui-ci permet aux passagers du H1st vision d’être reconnus par leur démarche à une distance de six mètres et par leur visage à une distance de trois mètres. Cette technologie est accompagnée d’une reconnaissance vocale permettant d’ouvrir les portes pour monter à bord. Une caméra située sur le rétroviseur central prendra le relais avec la reconnaissance faciale pour adapter les sièges des usagers à leur morphologie en fonction de critères rentrés au préalable. « Cette innovation d’authentification contribue à simplifier les activités de location, d’autopartage, de covoiturage et de contrôle du permis de conduire du conducteur », affirme la Software République.
Dans l’habitacle, l’expérience de conduite a été entièrement repensée avec l’installation d’un écran remplaçant le traditionnel tableau de bord, à la manière des derniers modèles de Tesla. Celui-ci permet d’afficher une carte de localisation des places de stationnement ou de recharge des véhicules électriques. Un dispositif sur la droite du volant, construit avec l’aide de Mobilize, Orange, STMicroelectronics, le groupe Renault et JCDecaux, permet de demander un itinéraire vers l’option la plus proche, la plus rapide ou la moins chère. De plus, une fonctionnalité de paiement intégrée, reposant sur une plateforme propulsée par Orange et un portefeuille électronique de Mobilize, permet au conducteur d’effectuer un règlement en restant à l’intérieur de la voiture.

Photographie : Antoine Messina / Siècle Digital.
Mettre l’accent sur la santé
L’un des principaux pans technologiques développés par la Software République et introduit dans ce concept-car est celui relatif à la santé du conducteur et du véhicule. « Par ses innovations, H1st vision souhaite ainsi rendre la mobilité plus sûre pour ses occupants et pour tous les usagers de la route », note le consortium. Cette sécurité passe dans un premier temps par le contrôle de la santé du conducteur et du véhicule.
En ce sens, des capteurs situés sur le volant permettent une surveillance « non intrusive » du rythme cardiaque et l’électrocardiogramme du chauffeur. Si la voiture détecte une montée du stress ou des signes de fatigue, elle pourra lui conseiller de se garer pour se reposer avant de reprendre la route. Un logiciel d’analyse de l’humeur développé par Stern Tech peut amener le H1st vision de proposer des exercices de respiration pour l’aider à se détendre en cas d’agacement. Un assistant de secours par appel satellite est également disponible en cas d’accident.

Photographie : Antoine Messina / Siècle Digital.
Concernant l’entretien du véhicule, le concept-car embarque des capteurs virtuels « capables d’évaluer en temps réel le fonctionnement et l’état d’usure d’éléments clés du véhicule comme la batterie, les freins, les pneus, la boîte de vitesses, le châssis, les suspensions, etc. ». Cette mesure permet d’obtenir un bilan général de l’état d’usure des éléments de la voiture, de prévoir le nombre de kilomètres avant la prochaine maintenance et de suggérer des conseils pour prolonger leur durée de vie. Un certificat sous la forme d’un NFT, soutenu par la start-up Renaissance, sera accessible sur tous les supports numériques. Un moyen de garantir l’authenticité du certificat et d’empêcher sa falsification.
Enfin, le H1st vision est équipé du système de défense Detect and Respond d’Orange, Thales et du groupe Renault pour se protéger d’éventuelles cyberattaques. Cette solution détecte, analyse et répond en temps réel aux menaces grâce à des algorithmes soutenus par l’intelligence artificielle. « Les voitures “intelligentes” présentent un besoin accru en cyber protection et en gestion des risques », concède la Software République.
Une conduite plus sûre pour soi et pour les autres
Après la sécurité du véhicule et de ses passagers vient celle des autres usagers de la route. Le H1st vision « exploite en permanence les données recueillies en temps réel et celles, archivées, de tout l’écosystème auquel il est connecté ». La technologie V2X, pour Vehicle to Everything, permet d’alerter sur des zones accidentogènes, en anticipant les dangers, grâce à des capteurs permettant d’identifier les différentes catégories d’individus, d’objets et de véhicules sur la route. Orange, derrière ces innovations, a certifié à Siècle Digital que les données sensibles étaient entièrement anonymisées et supprimées une fois celles-ci obsolètes. Ces innovations sont actuellement testées sur un jumeau numérique du concept-car élaboré par Dassault Systèmes.
Un véhicule soucieux de l’environnement
Dernier point clé du H1st vision, le respect de l’environnement et sa contribution à la gestion des réseaux électriques. Le concept-car est muni de la technologie V2G, pour Vehicle to Grid, lui offrant une recharge bidirectionnelle. En d’autres termes, la recharge peut aller du réseau électrique à la voiture et vice-versa lors des pics de consommation. Il sera alors possible aux utilisateurs de se charger seulement aux horaires creuses et de revendre une partie de leur consommation lors des heures pleines en injectant l’énergie électrique dans les réseaux.
La Mobilize PowerBox, une borne de recharge intelligente bidirectionnelle sera disponible à la vente aux particuliers en 2024. Moblize glissait qu’en proposant des contrats d’énergie pour permettre à leurs clients de revendre leur électricité, elle se transforme en fournisseur d’énergie, au même titre que Engie, EDF ou TotalEnergies.
Une voiture connectée de cette ampleur est-elle envisageable ?
Si l’ensemble de ces innovations concentrées dans un seul véhicule peut paraître excessif, Éric Feunteun fait remarquer à Siècle Digital qu’elles ne sont pas toutes au même niveau de maturité. Certaines, comme la recharge bidirectionnelle, doivent sortir dès l’année prochaine, tandis que celles tournées vers la santé ou le V2X sont attendues pour 2028. D’autres encore, plus futuristes comme la communication par satellite, nécessitent plus de temps de préparation.
Un véhicule regroupant toutes ces technologies a donc très peu de chances de voir le jour. Certaines risquent d’être abandonnées, faute d’avoir séduit. Toutefois, une chose est sûre pour le directeur des opérations de Software République pour Renault, il faut saluer la coopération entre les 12 acteurs du consortium « qui témoigne d’une véritable prouesse ». Selon Aliette Mousnier-Lompré, directrice générale d’Orange Business Services, « il s’agit de notre premier concept-car, mais certainement pas le dernier ».