Le Comité sur les investissements étrangers aux États-Unis (CFIUS) qui mène l’examen de sécurité sur TikTok aurait demandé à son propriétaire ByteDance de vendre ses parts ou de prendre le risque d’un bannissement. Il s’agit d’un tournant dans la politique de l’administration Biden, qui depuis deux ans privilégiait la négociation.

Dans la semaine, la direction de TikTok États-Unis réfléchissait à comment se séparer de sa maison mère chinoise, ByteDance, en dernier recours. Le Wall Street Journal a depuis révélé qu’une demande formelle avait été adressée à l’entreprise. Le département du Trésor, qui surplombe le CFIUS, n’a pas commenté.

Les promesses de TikTok sont insuffisantes pour plusieurs institutions américaines

À son accession au pouvoir, Joe Biden avait mis à l’arrêt les tentatives engagées par son prédécesseur, Donald Trump, pour bannir ou forcer la vente de TikTok. Il avait décidé de passer par le CFIUS pour négocier un accord satisfaisant pour la protection des données américaines d’espionnages chinois, ou de tentative d’influence inspirées de Pékin sur les utilisateurs.

TikTok rapporte avoir prévu 1,5 milliard de dollars d’investissement pour rassurer les autorités. Cet argent devait servir à la mise en œuvre du Projet Texas : gestion des données américaines par Oracle, droit de regard de ce dernier sur l’algorithme, mise en place d’un comité de surveillance validé par Washington. Le Projet Texas serait toujours en cours de réalisation à l’heure actuelle.

Pourtant, cela coince du côté du CFIUS depuis des mois. Le département de la Justice et le Pentagone trouve la solution adoptée insuffisante, laissant TikTok et son propriétaire dans le flou. Ils estiment le risque trop important. ByteDance, basé à Pékin, est possédé à 60 % par des investisseurs internationaux, à 20 % par ses employés et 20 % par ses fondateurs, Zhang Yiming, Liang Rubo, directeur général, et d’autres.

L’administration Biden est sous la pression constante des élus républicains qui militent avec véhémence depuis des années pour une interdiction de l’application, aux 100 millions d’utilisateurs américains. Ces derniers mois, TikTok a été officiellement banni des téléphones professionnels des employés fédéraux. Au Sénat une proposition de loi bipartisane, sans citer TikTok, a été déposée pour donner à l’administration le pouvoir d’interdire une application posant des problèmes de sécurité. Signe d’une évolution de la position démocrate, cette proposition, qui n’est pas la seule à avoir été déposée, est la première à avoir reçu le soutien de la Maison-Blanche.

Quand c’est flou…

Plusieurs questions restent en suspens sur la suite du processus. Le CFIUS aurait déjà commencé à prospecter de potentiels futurs acheteurs. Plusieurs entreprises seraient intéressées. Un éventuel repreneur de TikTok US devra avoir la capacité technique de reconstruire l’algorithme ultra-performant de l’application aux États-Unis et de bloquer tout accès à la Chine. Un point sur lequel appuie TikTok.

Dans un communiqué publié le 15 mars l’entreprise assure, « Si la protection de la sécurité nationale est l’objectif, le désinvestissement ne résout pas le problème : un changement de propriétaire n’imposerait aucune nouvelle restriction sur les flux ou l’accès aux données ». Pour elle, la meilleure protection reste le Projet Texas.

Selon une estimation de Bloomberg, la valeur de la branche américaine du réseau social serait entre 40 et 50 milliards de dollars. Selon une estimation récente, celle de ByteDance serait de 220 milliards.

Le rachat est toutefois encore loin d’être certain. Le processus lancé par le CFIUS devrait prendre plusieurs mois et comporte encore bon nombre d’inconnus. Si ByteDance décidait de résister, s’exposant à un bannissement de TikTok outre-Atlantique, le débat serait déplacé devant les tribunaux. Or, lorsque Joe Biden a mis fin aux initiatives engagées par son prédécesseur, c’est justement parce que l’administration républicaine accumulait les revers et s’embourbait dans les procédures.

L’autre interrogation est celle de la position de la Chine. Pékin aura son mot à dire sur une éventuelle vente de TikTok par ByteDance. Dans un contexte de rivalité exacerbé avec les États-Unis, les autorités chinoises pourraient être très réticentes à autoriser l’opération. Justement par crainte de voir des données et l’algorithme entre des mains américaines.

La situation pourrait s’éclaircir, légèrement, dans les prochains jours. Shou Zi Chew, le directeur général de TikTok, doit s’exprimer la semaine prochaine devant le Comité de l’énergie et du commerce de la Chambre des représentants. Une audition axée, évidemment, sur les questions de sécurité.