La Chambre des représentants des États-Unis a annoncé à son personnel, le 27 décembre, que TikTok sera interdit sur leurs téléphones professionnels. Une mesure cohérente avec le vote d’une vaste loi, la veille du réveillon, interdisant l’application chinoise sur les appareils gouvernementaux. Elle contient également des textes en lien avec l’antitrust, la cybersécurité et autre, aux ambitions… Variables.

TikTok reste malgré tout aux États-Unis, mais jusqu’à quand ?

Le Congrès a approuvé le budget, jusqu’à septembre 2023, des États-Unis. Ce texte est une loi omnibus, c’est-à-dire qu’elle regroupe des mesures sur de très divers sujets. Dans la mouture de cette fin d’année, votée in extremis, des rallonges sur le soutien financier de l’Ukraine accompagnent, donc, l’interdiction de TikTok sur les appareils gouvernementaux.

L’application du chinois ByteDance est considérée, depuis maintenant plusieurs années, comme une menace pour la sécurité américaine. Le Pentagone, le département d’État, celui à la sécurité intérieure, l’Administration de la sécurité des transports, le Sénat et maintenant la Chambre des représentants, ou encore 19 États ont déjà pris la décision de l’interdire. Des négociations ont lieu avec l’administration Biden, via le Comité des investissements étrangers aux États-Unis (CFIUS) sont toujours en cours. TikTok souhaite démontrer que les données américaines sont protégées de Pékin, car gérée par Oracle.

Un porte-parole de TikTok a fait part de la déception de l’entreprise à CNBC, le vote du Congrès étant perçu comme « un geste politique qui ne fera rien pour faire avancer les intérêts de la sécurité nationale – plutôt que d’encourager l’administration à conclure son examen de la sécurité nationale ». Le réseau social a réagi de la même façon à son interdiction à la Chambre des représentants, relevant le très faible nombre d’appareils concerné.

Si la mesure était attendue, la révélation de l’exploitation des données des comptes de deux journalistes par des employés de l’application n’a pas aidé à plaider sa cause. Un projet de loi parallèle, en cours de discussions et principalement porté par les républicains, vise une interdiction totale du service aux États-Unis. TikTok maintient de son côté que « L’accord examiné par le CFIUS répondra de manière significative à toutes les préoccupations de sécurité qui ont été soulevées au niveau fédéral et étatique ».

Les GAFAM grands gagnant des (maigre) évolutions de la législation antitrust

Snap et Meta peuvent être ravi, d’autant que les géants du numérique américain ont réussi à limiter la portée des mesures antitrust ajoutées à la loi. La mesure, en discussion, pour accroître la protection des mineurs en ligne, a été transposée a minima. Un simple rapport doit être remis par l’Institut national de la santé d’ici deux ans.

Dans un autre registre, Google et Apple ont réussi à éviter de devoir proposer plus d’options de paiements aux développeurs, sur leurs boutiques d’applications. Amazon et les autres sociétés d’e-commerce, évite les mesures les plus dures de l’American Innovation and Choice Online Act. Ce texte, abondamment discuté dans les couloirs du Congrès, vise à empêcher les plateformes de favoriser leurs propres produits.

Les champions de l’e-commerce doivent seulement, désormais, mettre en place plus de vérifications sur les ventes de produits contrefaits. Une mesure que même Amazon a fini par soutenir. Les groupes industriels du numérique, NetChoice ou Chambre of Progress ont affiché leur satisfaction.

D’autres mesures devraient toutefois légèrement renforcer les autorités antitrust américaines. Les procureurs généraux des États pourront choisir dans quel district ils portent leurs affaires. Il s’agit d’une compétence déjà détenue par les autorités antitrust fédérales et permet d’éviter que les entreprises désignent des districts qu’elles jugent plus favorables à leur affaire. C’était arrivé contre Google, qui avait transféré l’affaire du Texas à New York rappelle CNBC.

La FTC et l’autorité antitrust du département de la Justice devraient également bénéficier de plus de moyen par le biais des fusions. Le coût de dépôt d’un dossier de fusion important sera augmenté, celle des dossiers secondaires abaissée. Une astuce pour donner de l’air aux deux agences de la concurrence américaines, débordées par les demandes de fusion ces dernières années.

Les progrès obtenus au Congrès sont faibles par rapport à l’ambition des lois qui y circulent. L’administration démocrate craignant un blocage des républicains pour le vote du budget a pu revoir leur copie en conséquence. À partir de janvier, la chambre des représentants passera dans le camp républicain, à la faveur des élections de mi-mandat de novembre. Si beaucoup de projets de loi visant les géants du numérique sont soutenus par des élus des deux camps, les républicains seront bien plus frileux sur l’adoption de mesures portant sur la concurrence.